Un tsunami, vraiment?

En commentant le sondage commandé par son association de médecins canadiens, le Dr Robert Ouellet, le président sortant, n'a pas hésité à parler de «tsunami gris» qui allait déferler sur le pays au fur et à mesure que les baby-boomers franchiraient l'âge de la retraite. En conséquence, les gens sondés croient qu'il sera de plus en plus difficile de maintenir la qualité des soins et que ce sont les générations plus jeunes qui feront les frais de cette évolution.

Certains faits permettent de nuancer cette perception bien ancrée dans l'esprit d'une majorité de citoyens, de politiciens et d'économistes.

Il n'y a pas à contester le fait que la génération née entre 1945 et 1970 arrive progressivement à l'âge de la retraite et qu'elle aura disparu tout aussi progressivement d'ici 50 ans. Le phénomène ne sera donc ni subit, ni temporaire, et on peut parier que nos sociétés sauront s'y adapter.

Par ailleurs, ce n'est pas parce que quelqu'un passe l'âge de 60 ans qu'il coûte nécessairement plus cher à la société. Toutes les études montrent que la plus grande partie des coûts de santé se concentre dans les dix dernières années de vie d'une personne malade, et ce, quel que soit son âge. Or, non seulement l'espérance de vie des gens qui atteignent 60 ans s'est-elle accrue de façon importante par rapport aux générations précédentes, mais la proportion de ces personnes qui vieillit en santé est aussi plus grande que par le passé.

Si les coûts du système ont grimpé si rapidement depuis dix ans, ce n'est d'ailleurs pas tant à cause du vieillissement (les baby-boomers étant toujours actifs!) que de facteurs comme la mise en marché de nouveaux médicaments et l'introduction de techniques spécialisées pour prévenir ou soigner la maladie. Par exemple, le recours aux antidépresseurs, aux anti-inflammatoires, aux médicaments pour contrôler le cholestérol ou atténuer les troubles de comportement, aux techniques de réadaptation, d'imagerie, de reproduction assistée, de correction de la vue et de l'apparence, tout cela a explosé.

Dans un très bon texte publié dans nos pages en mars dernier, la sociologue Micheline Boivin rappelait à ceux qui craignent de devoir payer pour faire soigner leurs parents du baby-boom que ces derniers seront plus autonomes financièrement que leurs propres parents ne l'étaient au même âge. En 2007, par exemple, 70 % des femmes en âge de travailler avaient un emploi comparativement à 41 % en 1976. Cela leur assurera un revenu de retraite grâce auquel elles continueront de contribuer toute leur vie au financement des services publics.

On se gardera de conclure de ces observations que le vieillissement n'a aucun impact sur les priorités budgétaires des gouvernements et l'organisation des services publics. Mais méfions-nous des analyses simplistes qui envoient tous les plus de 65 ans à l'hôpital. Les baby-boomers sont plus instruits, financièrement plus autonomes, et la majorité restera en santé plus longtemps que ses parents. Ils finiront bien par mourir un jour, mais il est trop tôt pour affirmer qu'ils ne laisseront que la facture de leur enterrement en héritage à leurs enfants.

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j-rsansfacon@ledevoir.ca

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