Frais afférents à l'université - Les dents longues

Le projet derrière lequel s'abrite la faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal pour soutirer aux étudiants 1000 $ de plus par année est une hausse — fort mal déguisée — des droits de scolarité. Prétextant un «partenariat» fort avec des étudiants illusionnés, la faculté autorise en douce ce à quoi la société se refuse encore.

Il y a un souffle de déloyauté et de sans-gêne dans cette affaire, révélée hier dans Le Devoir et dont nous poursuivons aujourd'hui le feuilleton. La faculté de médecine dentaire de l'UdeM voudrait nous faire croire, ainsi qu'à ses futurs dentistes, qu'en demandant 1000 $ de plus aux étudiants dès l'automne 2010, elle encaisserait des «frais institutionnels obligatoires» — jadis appelés frais afférents.

En 2008, Québec a édicté des règles pour stopper la hausse exagérée de ces frais afférents pratiquée par les universités. Les balises prévoient désormais une augmentation maximale annuelle, selon une définition qui exclut toute dépense couverte par les subventions habituelles. Seul un projet spécial justifierait une dérogation aux limites fixées par Québec, et ce, s'il obtient l'aval des étudiants.

Il est à souhaiter que la ministre de l'Éducation intervienne fermement pour recaler le projet de la faculté de l'UdeM. Il contourne carrément l'esprit de sa politique d'encadrement des frais champignons. On a voulu convertir en «projet spécial» une demande de soutien tout ce qu'il y a de plus coutumier. On a voulu donner un nouveau vernis à l'habituel tableau sur le sous-financement. La faculté a appelé son projet AIDENT — pour Appui indispensable à la médecine dentaire. On y réclame le soutien financier des étudiants pour pallier un manque de ressources: des chaises et des cabinets désuets; une pénurie d'espace; des normes défaillantes de qualité et de salubrité; l'ajout de personnel.

Ce portrait est peut-être tout à fait juste et mérite une intervention. Mais qu'y a-t-il là qui justifie des frais afférents? Que l'université au moins joue la carte de la franchise: pour «rétablir le leadership» de sa faculté de dentisterie et maintenir «l'avantage concurrentiel des diplômés», elle vogue hors des règles et choisit de faire toute seule, avec l'assentiment d'une assemblée d'étudiants béni-oui-oui qu'elle présente comme ses «partenaires», ce que la société et le gouvernement n'ont pas autorisé.

Pour ajouter peut-être un brin de mélodrame à son plaidoyer, la faculté a brandi un spectre menaçant, mais apparemment artificiel: celui de la perte possible de son agrément dentaire, octroyé par un organisme canadien. Interrogés par Le Devoir, les responsables de cette commission d'accréditation ont affirmé n'avoir jamais eu vent de cette possibilité! Faut-il le rappeler? En 1999, la faculté de médecine vétérinaire de l'UdeM avait réellement perdu une partie de son accréditation en raison de la vétusté des infrastructures et d'un manque de professeurs. Une bataille âprement menée auprès du gouvernement lui a permis de rénover la faculté, retrouvant ainsi ses lettres de noblesse en 2007. Les étudiants n'ont rien eu à payer.

Sous prétexte de sous-financement et de nonchalance gouvernementale, les universités ne peuvent se bricoler leurs propres règles, contraires aux principes officiels! L'Université McGill a récemment choisi de privatiser son MBA pour quelque 30 000 $ par année. Ce cas, comme celui de la faculté de médecine dentaire de l'UdeM, ne respecte ni le sens des normes gouvernementales en vigueur, ni les choix collectifs actuels, ni surtout le principe de l'accessibilité aux études.

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machouinard@ledevoir.com

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