Éducation - Le marché de l'école

Le saviez-vous? Un petit marché de la réussite scolaire est en train de se tisser au Québec. On ne sait trop encore à qui il profite — assurément pas aux élèves! — mais les croque-morts se bousculent auprès du grand moribond qu'est l'éducation.

Depuis quelques mois (serait-ce depuis toujours?), l'école est sous examen. Rapports et analyses dissèquent les ratés du réseau public, pointant les défaillances: pour certains, le gigantisme du «système», devenu titan oppressant ses ouailles; pour d'autres, la rigidité des conventions collectives, laissant peu de place à l'évaluation et aux initiatives locales.

Les causes du mal sont nombreuses, et divisent les troupes: dilapidation irréfléchie des millions. Suprématie des technocrates et engouement pour les pédagogues, joués au détriment des contenus. Incapacité de l'école de s'incarner dans une collectivité, et méfiance face aux parents. Dévalorisation du public au profit du privé, sans cesse plus estimé. Mépris social pour l'éducation. Exigences des parents conjuguées à leurs tragiques carences, notamment comme pilotes de l'autorité. Déclinaison effarante des troubles d'apprentissage et autres failles comportementales des enfants. Un petit remontant avec ça?

Il y a à peine quelques mois, c'était autour de la réforme que l'on s'entre-déchirait. Désormais, le décrochage a la cote, et chacun y va de sa recette. Collectifs et regroupements se multiplient autour de la «persévérance scolaire», avidement scrutée.

Cette semaine, un autre de ces groupes miracle a présenté son croquis. Richement composé d'anciens acteurs de la scène éducative devenus sages, le Collectif pour l'éducation brosse, il est vrai, un portrait fiable de la situation, cadré sur l'autonomie des écoles. Hélas! Québec vient d'adopter une loi qui redonne la baguette au ministère, qu'on accuse pourtant de toutes parts de manoeuvrer à l'aveugle. Deux fois hélas! Ce groupe pointe avec justesse l'incapacité du réseau à délaisser les guerres de pouvoir, mais qui l'entendra?

On le craint: bientôt, l'un de ces groupes sonnera le clairon, clamant l'heure venue pour de nouveaux états généraux de l'éducation! Les derniers, toujours pertinents, remontent à... 1996! Mais ce réseau, adepte des introspections préférablement douloureuses, aime gratter ses bobos, et le faire en congrégation, certain de pouvoir réinventer l'école.

On ne pourra plus l'édifier à la manière d'antan, comme si tout était à bâtir. Au mieux, dans ce marché de la réussite où les porte-voix se font trop nombreux et épars, on pourra espérer que ce réseau apprenne à délaisser les guerres intestines pour enfin se concentrer sur les élèves.

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machouinard@ledevoir.com

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