Enquête à la SHDM - Question de confiance

L'administration du maire Gérald Tremblay est dans l'embarras. L'opposition réclame une enquête sur la «privatisation» de la Société d'habitation et de développement de Montréal et la gestion qu'en a assurée par la suite son directeur général, Martial Fillion, qui, selon les rumeurs, aurait fait preuve de favoritisme dans la vente de terrains municipaux. Nécessaire, cette enquête doit être menée de façon impartiale.

Gérald Tremblay est l'honnêteté incarnée, à tel point qu'on lui donnerait la communion sans confession. Malgré cela, les rumeurs n'ont cessé de courir ces derniers mois dans les cercles municipaux autour de pratiques contestables dans l'octroi de contrats par la Ville de Montréal et ses sociétés paramunicipales. Certes, le partage des tâches avec son président du comité exécutif le tenait éloigné de la gestion de ces dossiers, mais il ne pouvait pas ne pas entendre ce qui se disait. On n'a donc pu qu'être étonné de le voir tomber des nues cette semaine lorsque des confrères de La Presse et de The Gazette ont exposé les circonstances de cette «privatisation» de la SHDM.

Le mot «privatisation», s'il n'est pas tout à fait juste, évoque bien l'esprit qui animait ceux qui ont voulu sortir du périmètre administratif de la Ville deux sociétés paramunicipales, la Société de développement de Montréal et la Société d'habitation et de développement de Montréal. En dépit des dispositions de la Charte de la Ville, on les a réunies au sein d'une entreprise à but non lucratif régie par la Loi sur les compagnies. Un avis du contentieux de la Ville avait pourtant souligné aux autorités municipales que cela était contraire aux dispositions de la Charte et que l'accord de Québec était nécessaire. Elles se sont fiées au directeur des Affaires corporatives de la Ville, Robert Cassius de Linval, qui avait obtenu un avis externe contraire et a ignoré les mises en garde du contentieux.

Outre les économies générées par la fusion des deux organismes, l'objectif de l'opération était d'obtenir davantage de souplesse dans la gestion des actifs immobiliers de 300 millions appartenant à la Ville. Or, il appert que le p.-d.g. de la nouvelle société, libéré d'un certain nombre de contrôles, a entrepris de conclure des accords qui aujourd'hui soulèvent des questions et des doutes. Des avantages importants ont été ainsi accordés au promoteur immobilier Frank Catania pour le développement d'un terrain de 38 hectares dans l'est de Montréal. Le prix de vente du terrain a été réduit, un prêt de 14,6 millions à taux réduit lui a été accordé, ainsi qu'une aide financière non remboursable de 15,8 millions. Dans ce cas, le président du comité exécutif de la Ville, Frank Zampino, a fait amender un règlement pour rendre possible cette aide financière.

La publication d'informations le mois dernier sur les avantages consentis à ce promoteur a amené la suspension de Martial Fillion le temps qu'une firme comptable externe, KPMG, fasse la revue de sa gestion dans ce dossier. Cela n'est pas suffisant. C'est au vérificateur général de la Ville que ce mandat doit être confié, qui lui pourra recommander une enquête publique ou policière s'il y a vraisemblance de favoritisme. Il faut aussi faire la lumière sur le processus de «privatisation» de la SHDM.

C'est la première fois que l'administration Tremblay est ainsi mise en cause. Il est d'autant plus important que la lumière soit faite en toute indépendance et en profondeur que Martial Fillion est un proche du maire. En 2001, il a rédigé le programme électoral de l'Union des citoyens de l'île de Montréal, puis il est devenu son chef de cabinet au lendemain de l'élection. Un an plus tard, il était nommé à la tête de la SHDM. Sinon, la confiance des Montréalais envers leur maire pourrait être altérée.

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