Les villes ont soif!
Un des aspects les plus décevants du budget présenté mardi par le ministre John Manley, c'est le peu de cas fait des revendications du monde municipal. Alors qu'elles s'attendaient à d'importants investissements pour les transports en commun et pour la réfection des infrastructures qui tombent en ruines, les municipalités ont appris qu'Ottawa entendait ne consacrer que trois milliards de dollars de plus à la question au cours des dix prochaines années. Or la Fédération canadienne des municipalités évalue les besoins actuels à quelque 57 milliards.
Pour le Québec, Gilles Vaillancourt, maire de Laval et président de la Coalition de renouvellement des infrastructures, parle d'au moins un milliard par année pendant 15 ans.Le calcul est simple: des trois milliards promis par le ministre Manley, le Québec peut donc s'attendre à recevoir le quart, soit 1,2 milliard pour couvrir des besoins d'au moins dix milliards d'ici dix ans. Le reste ne peut provenir que des coffres du trésor provincial, dont c'est la responsabilité, et des municipalités elles-mêmes.
Malheureusement, ces dernières ne disposent pas des sources de revenus qu'il faut pour faire face à un tel chantier. Quant aux provinces, le rapport Séguin sur le déséquilibre fiscal a clairement établi qu'elles n'auraient pas non plus les ressources nécessaires pour remplir les mandats qui leur sont confiés par la Constitution canadienne. Un jour ou l'autre, Ottawa devra donc ouvrir le robinet. Il le sait...
Mais voilà, l'implication systématique des trois paliers de gouvernement dans le dossier devient tout à fait kafkaïenne. Cela exige consultation après consultation, négociation par-dessus négociation. Les priorités des uns sont rarement celles des autres, l'échéancier politique diverge, les besoins varient...
Les municipalités et les provinces doivent pouvoir planifier leurs interventions en fonction de leur situation respective. Elles ne peuvent pas être éternellement à la remorque de programmes fédéraux ad hoc qui viendront peut-être, un jour, si le vent souffle dans la bonne direction.
Au Québec, le gouvernement Landry vient tout juste de signer un «contrat de ville» avec Montréal par lequel il s'engage à investir dans la réfection des infrastructures, les transports en commun, la construction de logements et la lutte contre l'exclusion. Ce contrat prévoit d'autres mises de fonds, d'Ottawa cette fois-ci puisque c'est là que se trouve l'argent! Or le gouvernement fédéral a ses propres priorités, qui pourraient être bien différentes l'an prochain, à la veille d'élections fédérales qui se gagneront sur le terrain, dans chacune des localités du pays. L'occasion sera belle de passer par-dessus la tête des provinces pour signer des ententes avec les élus municipaux, partout au pays.
Dans ce dossier comme en santé ou en éducation, Ottawa devrait cesser de vouloir tout contrôler grâce à son pouvoir excessif de récolter des impôts et de dépenser, y compris dans des secteurs qui ne sont pas de son ressort. Si, au lieu de cela, les provinces avaient à leur disposition le nombre de points d'impôt suffisant pour faire face à leurs responsabilités, cela serait à la fois plus simple, plus logique et tellement plus efficace.
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