Un bien petit pas

Les dirigeants des pays du G8 se sont entendus à l'occasion de leur sommet d'Hokkaïdo pour réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Se félicitant de cet accord, ils ont soutenu avoir franchi un pas majeur dans la lutte au réchauffement climatique. En est-ce vraiment un?

Cet accord, qu'on n'attendait pas à cette réunion en raison des vives réticences de la part des États-Unis et du Canada à s'engager dans la lutte aux GES, semble à première vue intéressant. S'y trouvent de fait quelques aspects positifs puisque les dirigeants du G8 franchissent un pas de plus qu'à leur sommet de 2007 en Allemagne. Ils avaient alors convenu de «réfléchir sérieusement» à cet objectif de réduction de 50 % pour l'horizon 2050. Voilà maintenant qu'ils adhèrent à cet objectif, qui servira de cible lorsqu'aura lieu, fin 2009 à Copenhague, la conclusion des négociations entreprises à Bali en décembre dernier sur la fixation de nouveaux objectifs de réduction pour ce qu'il est convenu d'appeler Kyoto 2.

Autre élément positif, le ralliement du président américain George W. Bush à cet objectif de 50 % pour 2050. Le fait qu'il soit partie à cet accord est une confirmation d'un changement d'attitude amorcé ces derniers mois. On peut croire qu'il reconnaît maintenant que le réchauffement climatique est un phénomène bien réel. À noter aussi qu'il a nuancé, et le premier ministre Harper avec lui, l'exigence formelle faite aux économies émergentes, soit la Chine, l'Inde, le Mexique, le Brésil et l'Afrique du Sud, d'intégrer tout accord sur les GES. On les invite tout de même à se joindre aux pays développés, mais on reconnaît qu'il revient à ceux-ci de jouer le rôle moteur dans la lutte aux GES. C'est un obstacle de moins à la poursuite des négociations en vue de la conférence de Copenhague.

Ces aspects positifs sont toutefois vite gommés si l'on cherche dans cet accord des éléments concrets. En effet, ce dernier ne comporte aucun engagement relevant de l'action. Est simplement proposé un objectif global à atteindre. Et encore, on s'est gardé volontairement de préciser si la cible de 50 % de réduction des GES est calculée par rapport aux niveaux de 1990, comme le demande l'accord de Kyoto, ou par rapport à ceux d'aujourd'hui. L'absence de toute référence à 1990 a été exigée par le président Bush, qui ne voulait pas non plus que cet accord mette de l'avant des objectifs intermédiaires de réduction pour 2025. Bref, personne n'est lié.

Le silence des pays du G8 sur de tels objectifs intermédiaires est ce qu'il faut déplorer le plus. Il témoigne de l'absence de réel consensus. L'Union européenne s'est fixé un objectif de réduction de 20 % de ses émissions d'ici 2020 par rapport au niveau de 1990. Par contre, côtés américain et canadien, rien ne se fera, du moins tant que dureront les règnes des conservateurs Bush et Harper. Pour mémoire, rappelons que les experts du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat ont soumis que, pour limiter le réchauffement de la planète à 2 °C, il faudra réduire les émissions des pays développé de 25 % à 40 % d'ici 2020, et de 80 % d'ici 2050, cela par rapport à 1990. C'est dire l'ampleur de l'effort à faire. Un effort qui s'accroît à mesure que l'on tarde à engager une action.

Vague à souhait, cet accord intervenu à Hokkaïdo permettra à tout un chacun, parmi les dirigeants du G8, de parler de progrès. Par exemple, cela donne au premier ministre Stephen Harper, de retour du Japon, un argument à opposer à la campagne que mène le Parti libéral sur le thème du réchauffement climatique. Le problème, c'est qu'il s'agit d'un bien petit pas. Un petit pas qui apparaît encore plus petit en regard de la proposition du chef libéral, Stéphane Dion, d'une taxe sur le carbone.

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bdescoteaux@ledevoir.com

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