Coup double

En plein sommet du G8 au Japon, qu'annoncent la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice et son homologue tchèque? La signature d'une entente sur l'installation d'un radar made in USA en plein coeur de l'Europe centrale. Autrement dit, d'un radar susceptible de suivre les allées et venues d'engins russes parmi d'autres. Il va de soi que la déclaration formulée par le tandem américano-tchèque a ulcéré le gouvernement russe, qui a réagi aussi vigoureusement que promptement en menaçant d'armer ses missiles nucléaires si ce projet est mené à son terme.

Signe de la ferme volonté de l'administration Bush de parvenir à son but, soit construire un bouclier antimissile d'ici 2012 au centre du Vieux Continent, cette dernière a mis un terme aux discussions qu'elle poursuivait avec le gouvernement polonais à propos de l'érection d'une base de missiles antimissiles. Cette fin abrupte à une ronde de discussions amorcée il y a près de deux ans de cela a été justifiée par les exigences financières des Polonais, jugées excessives, mais aussi, voire surtout, par la possibilité de déménager en Lituanie la base envisagée en Pologne.

En effet, le 2 juillet, jour au cours duquel des responsables américains indiquaient que la carte polonaise avait été écartée, ces derniers confiaient avoir eu des entretiens sur ce sujet avec le premier ministre lituanien et ex-ministre de la Défense. Bref, l'administration Bush discute avec les représentants d'un pays tiers la possibilité d'édifier une forteresse aérienne au nord du nord de l'Europe, au nord de la Pologne, dont l'objectif était et demeure l'interception de missiles... iraniens. Géographiquement parlant, on admettra que la ficelle est un peu grosse, même si la Terre est ronde. Passons.

Toujours est-il que, depuis l'introduction de la Lituanie, située à deux encablures de la Russie, les dirigeants de cette dernière, réputés d'ailleurs pour leur inclination pour des rapports musclés, ont confié que le contingent militaire situé à Kaliningrad serait passablement renforcé. Or quelle est la particularité de Kaliningrad? C'est celle d'être une enclave entre la Pologne et la Lituanie. Bonjour l'ambiance!

En toile de fond de ces marchandages, on observe ici et là une ribambelle de marchandages intra-européens liés ou conséquents à ce sujet. Ainsi, en Pologne, depuis que Donald Tusk a été élu premier ministre l'automne dernier, depuis que cet europhile convaincu a succédé à un europhobe militant, on a assisté à une réorientation de la politique de cette nation à l'égard de l'Europe. Par contre, la République tchèque a toujours pour président un homme qualifié de chef de file des eurosceptiques, soit Vaclav Klaus. Un ultralibéral qui partage comme tel beaucoup d'affinités avec les néoconservateurs américains. Même si une forte majorité de ses concitoyens est opposée à l'installation du radar, il tient mordicus à une présence militaire américaine en plein coeur de l'Europe.

Dans toute cette histoire on retiendra qu'encore une fois l'Europe a brillé par son impuissance à formuler ne serait-ce qu'un sain questionnement. Et dire qu'elle est concernée au premier chef. Affligeant!

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