L'épreuve des épreuves
Une nouvelle livraison de statistiques nous présente la face sombre de l'école secondaire, où la réussite refuse de s'améliorer et les taux de diplomation stagnent. Gare à la déprime collective qui asphyxie les triomphes particuliers et noie l'inspiration.
En juin, dans les écoles secondaires, un climat de stress règne, causé par les épreuves uniques. Murmure des crayons sur les copies, silence dans les classes surchauffées, vigilance accrue de la part des surveillants d'examen. Le supplice annuel!À cette nervosité estudiantine se superpose un trac ministériel. Un an après, le ministère de l'Éducation dévoile les résultats des élèves qui se sont échinés sur la page blanche. Combien échoueront à l'épreuve? Quel sera l'écart entre garçons et filles? De combien le secteur privé supplantera-t-il le public? La diplomation finira-t-elle par prendre du mieux?
Dommage! À ces questions troublantes, la publication du bulletin 2007 n'apporte rien de rassurant. Les taux de réussite stagnent, la diplomation oscille toujours autour des 70 %, au point où, pour faire étalage de données plus encourageantes, il est de bon ton désormais d'étirer la durée des études au-delà des traditionnels cinq ans.
Signe des temps, le ministère de l'Éducation publie ces données sans grand enthousiasme et presque en catimini. D'année en année, la date de publication se rapproche dangereusement des grandes vacances, où l'éducation goûte son hibernation. Jadis, on pouvait se gargariser de ces tableaux attendus en mai; cette année, il fallut attendre juillet.
C'est sans doute qu'on ne sait plus trop comment expliquer l'apparent sur-place qui frappe le Québec scolaire en dépit des réformes, millions et programmes voués à bonifier la réussite. Douze ans après des états généraux prometteurs, le tiers des élèves quittent toujours l'école sans diplôme. Au hasard de quelque épreuve internationale, il arrive qu'un bon coup appelle les louanges, mais le triomphe est généralement suivi d'une contagieuse mélancolie. Combien de ces comparaisons fatales avec les pays scandinaves nous a-t-on servies?
La moindre amélioration est vite ravalée par notre piètre performance systémique: un véritable «drame humain» que cette succession d'échecs scolaires, réagissait la semaine dernière le président de la CSQ, Réjean Parent.
Il est vrai que ces coups d'oeil sont désolants et qu'il faut donc sans relâche remettre en question toutes les tentatives avortées d'améliorer la santé du système scolaire. Il faudrait toutefois savoir reconnaître que cette défaite collective assomme au passage tous les petits succès individuels — potentiellement inspirants — auxquels on s'empêche de rendre grâce, obnubilés que nous sommes par l'ampleur des revers.
On en veut pour preuve l'excentricité d'une région, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui a réussi en quelques années à renverser les statistiques: elle affiche maintenant un taux de décrochage de 14 % — deux fois plus faible que la moyenne provinciale —, la meilleure note au Québec!
Un épiphénomène? Plutôt une région qui a relevé ses manches, sans attendre que le «système» s'active pour elle. Depuis plus de dix ans, une véritable mobilisation s'est effectuée autour de la réussite des élèves. Des écoles au milieu communautaire, en passant par les entreprises, les parents et le milieu de la santé, tout le monde a compris que la vitalité du secteur passait inévitablement par des actions concrètes pour faire diminuer les échecs scolaires. Mais ne cherchez pas cette histoire dans les statistiques officielles: trop belle pour être vraie, elle ne cadre pas avec le désenchantement aujourd'hui de mise.