Le roi cynique

Il ne se passe pas une journée sans que Robert Mugabe fournisse la preuve tangible, concrète, de son cynisme. Après avoir détourné, à son profit évidemment, les résultats du scrutin de mars dernier, il s'acharne contre l'opposition et les ONG. Il ordonne emprisonnements et bastonnades quand les services de sécurité ne tuent pas. Depuis le dernier rendez-vous électoral, pas moins de cinquante personnes, pour la plupart des militants de la formation dirigée par son principal adversaire, Morgan Tsvangirai, ont été assassinées. Mugabe est le président funeste.

Au cours de la dernière semaine, il a commandé à deux reprises la garde à vue de Tsvangirai, la mise au cachot de collaborateurs de ce dernier, l'arrestation de diplomates pendant quelques heures, la saisie du matériel de journalistes sud-africains conclue par un harcèlement physique. Quoi d'autre? Lors du sommet de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation à Rome, il a accusé l'Occident, la Grande-Bretagne en tête, d'être responsable de la déchéance agricole d'un pays dont la capacité en la matière lui vaut pourtant d'être qualifié de grenier de l'Afrique. Bref, il a décliné la sempiternelle dissertation débutant invariablement comme suit: «Ce n'est pas moi, c'est lui.»

Plus grave, quand on sait que des millions de citoyens de cette nation sont affamés, il vient d'interdire aux ONG la poursuite de leur action. Le prétexte employé est aussi fallacieux et aussi vieux que l'histoire du monde: ces ONG travaillent main dans la main avec le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Tsvangirai. Elles sont à la solde de ce dernier.

Ce qu'il y a de désolant, pour ne pas dire de révoltant, dans la déchéance de ce pays, c'est la totale connivence existant entre Mugabe et la plupart des dirigeants des nations voisines. Parmi ces derniers, le président sud-africain, Thabo Mbeki, s'est distingué par son soutien aussi constant qu'irresponsable. On se rappellera qu'au moins deux millions de Zimbabwéens se sont installés en Afrique du Sud pour échapper à un destin qu'ils savaient tragique.

Aussi roué que retors, Mugabe a su se maintenir en tablant sur l'indifférence des uns et sur la complicité des Mbeki de ce monde. Le présent et l'avenir à moyen terme du Zimbabwe ont beau se confondre exclusivement avec la catastrophe, personne ne bouge. Certes, peut-être que les membres de Conseil de sécurité de l'ONU parviendront prochainement à composer une résolution. Mais bon... Elle finira dans les poubelles de l'histoire.

À moins que Tsvangirai ne remporte la finale à la fin du mois. Au vu des résultats du scrutin de mars dernier, le chef du MDC devrait gagner assez facilement. En fait, il est fort probable qu'il termine avec une avance plus forte que la dernière fois, car il va bénéficier du report des voix de Simba Makoni qui avait fini troisième. Mais, voilà, il est écrit dans le ciel qu'en abonné à la fraude, Mugabe va «gonfler» les urnes comme il l'a fait la dernière fois. Comment? En faisant voter les morts. Ceux qu'il a tués.

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