Coup de balai

Après des années de confusion et d'usurpation, le titre de psychothérapeute est en voie d'être réhabilité et auréolé du sceau de crédibilité qui lui revient, lorsqu'il le mérite! Pour cette promesse de protection, le public aura toutefois patienté trop longtemps dans l'antichambre des abus et de la fumisterie.

Combien de ces imposteurs déguisés en guérisseurs de l'âme la loi 50 stoppera-t-elle? Impossible de le dire: en matière de psychothérapie, le terrain regorge autant du fourbe que de l'authentique. Certains ont avancé des chiffres à faire peur: quelque 4000 praticiens afficheraient «psychothérapeute» sur leur carte de visite, mais seulement 10 % d'entre eux auraient les compétences liées au titre.

Le projet de loi 50, étudié jusqu'à hier en commission parlementaire à Québec, promet de donner un vigoureux coup de balai dans le fatras offert au public en matière de «psychothérapie», un concept apparemment très élastique... Désormais, non seulement le titre sera réservé, mais la pratique sera soumise à une série de contrôles qui, espérons-le, permettront d'éviter que des charlatans abusent d'une appellation pour embobiner des gens vulnérables.

En commission parlementaire, plusieurs ont rappelé le souvenir d'un reportage-choc diffusé en 2003 par l'émission Enjeux. Une — fausse — patiente en détresse passait d'un bureau de psychothérapeute à un autre, les cinq «professionnels» ayant été choisis au hasard. Même si la patiente présentait les symptômes évidents d'une grave dépression, un seul des psychothérapeutes a passé avec succès le test de la qualité.

En lieu et place d'une psychothérapie — un traitement destiné à apaiser un trouble mental, une souffrance ou une détresse psychologique —, le téléspectateur avait alors assisté à l'étalage des cures les plus absurdes, de l'imposition des mains à la consommation de plantes chinoises. La confusion la plus totale menait à un abus intenable.

Il faut dire que dans la sphère vaporeuse de la psychothérapie, le champ est entièrement libre. Le projet de loi 50 fournit donc le minimum de garanties destinées à mieux protéger le public, d'autant plus facile à berner qu'il succombe de plus en plus aux maux de la santé mentale.

Cette loi est juste car elle tend des filets qui protégeront la population de plusieurs abus. Elle annonce un lien entre le titre de psychothérapeute et certains ordres professionnels. Elle octroie à l'Ordre des psychologues du Québec le pouvoir de déterminer la compétence de tous les psychothérapeutes dûment formés mais non admissibles aux ordres professionnels pointés par la loi. Tout en ouvrant la porte aux droits acquis, elle prévoit une façon de contrôler la qualité des candidats. Elle garantit en outre un recours contre toute pratique illégale de la psychothérapie en dehors des cadres prévus.

Le public, qu'on dit au coeur de cette loi, aura toutefois dû attendre quinze ans avant qu'on ne l'entoure de bras protecteurs. Quinze ans! Promptes à dénoncer ce laisser-faire inacceptable, les corporations professionnelles ont ensuite eu du mal à choisir les balises idéales pour y mettre fin, les mésententes liées aux intérêts des unes et des autres prenant apparemment le dessus sur le scandale du public lésé... La loi 50 a d'ailleurs prévu la création d'un conseil consultatif interdisciplinaire composé de membres de plusieurs professions pour veiller au bon exercice de la psychothérapie: son bon fonctionnement sera intimement lié à l'harmonie qui y régnera. C'est à surveiller.

Si le secours annoncé par la loi 50 est heureux, il n'annonce pas la fin de toutes les difficultés. Dans un domaine aussi vaste et aussi complexe que la santé mentale, il demeure des zones grises dans lesquelles d'autres thérapeutes filous pourraient être tentés de s'engouffrer. Au public alors, dans la mesure de ses capacités, d'être le bon gardien de son intégrité.

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machouinard@ledevoir.com

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