Un rapport trop court
La consultation publique sur les conditions de vie des aînés conduite l'automne dernier par la ministre Marguerite Blais vient d'aboutir à la publication d'un rapport qui a reçu peu d'attention des médias. Et pour cause: non seulement les aînés n'occupent toujours pas la place qui leur revient dans cette société, ce rapport est aussi beaucoup trop succinct.
Loin de critiquer le sérieux avec lequel la ministre et ses deux coprésidents, le Dr Réjean Hébert, doyen de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke, et Sheila Goldbloom, professeure retraitée de McGill, ont accompli leur mandat de consultation, force est de constater que le contenu de leur rapport final est très mince. Pendant quelques mois, ils ont parcouru le Québec pour entendre plus de 4000 témoignages lors de 52 séances tenues dans 25 villes. 275 mémoires leur ont été présentés par autant de personnes et de groupes préoccupés par le sort des aînés.De ces consultations, on a tiré trois grands constats: il faut mieux soutenir les aînés dans leur volonté de vivre chez eux aussi longtemps que possible, réaffirmer leur place dans la société et mettre l'accent sur la prévention.
Cela étant, il faut dire que le rapport ne nous apprend rien que nous ne sachions pas déjà. Et comme il ne s'agissait pas d'un groupe de travail et encore moins d'une commission d'enquête, chacun des deux coprésidents y est allé de sa poignée de recommandations personnelles.
Plus ils prennent de l'âge, plus les gens risquent de tomber malades, de devenir pauvres et de souffrir d'isolement. Ce constat est une évidence. La question est de savoir comment contrer ces obstacles pour vivre sinon plus vieux, du moins plus heureux et moins seul.
Il faut changer notre vision de la retraite, répond le rapport. Fort bien, mais encore? Déjà, les gouvernements ont entrepris de modifier les lois pour permettre la retraite progressive; que devrait-on faire de plus, si ce n'est de mieux utiliser l'expérience des travailleurs plus âgés dans les entreprises?
Pour éviter le recours aux centres d'hébergement de longue durée, désormais réservés aux personnes en grave perte d'autonomie, les aînés ont besoin de ressources intermédiaires variées. Or, comme les coprésidents l'ont constaté, la pauvreté guette encore trop de personnes seules alors que l'absence de continuité dans les services sociaux et médicaux est la norme à peu près partout, surtout en ville. «Des efforts prioritaires doivent être déployés pour que les aînés puissent rester chez eux aussi longtemps que possible», recommande Mme Goldbloom. Très bien, mais quels «efforts»?
Le Dr Hébert y va de recommandations plus ciblées et détaillées, les seules vraiment utiles dans ce rapport lénifiant. Ainsi, après avoir entendu les témoignages de plusieurs aînés qui se plaignaient de l'éparpillement des mesures de maintien à domicile, le Dr Hébert propose de remplacer «un certain nombre de mesures fiscales parcellaires, inéquitables et insuffisantes» par une nouvelle «prestation de soutien à l'autonomie» (PSA) en nature (lorsque l'aide provient du CLSC ou du centre d'hébergement), sinon en argent, afin que les personnes qui vivent chez elles puissent acheter elles-mêmes des services de soutien ou dédommager un proche aidant. Voilà une très bonne idée!
On suggère aussi la création d'un supplément de revenu garanti provincial afin de compléter le supplément fédéral que reçoivent les retraités les plus pauvres.
En matière de soins, M. Hébert propose de changer l'approche actuelle, qu'il qualifie d'«hospitalocentrique», parce qu'elle ne répond plus aux besoins des malades chroniques, de plus en plus nombreux avec le vieillissement de la population. Ce ne sont pas les personnes qui devraient devoir se déplacer mais les services qui devraient suivre le patient dans son milieu de vie.
«Notre système public est le meilleur outil pour ajuster l'offre de services de la première ligne aux soins spécialisés, mais pour cela, il faut y investir davantage.»
Combien ces mesures coûteraient-elles? Comme pour le reste du rapport, faute de moyens mis à la disposition du groupe, aucun coût ni aucun détail ne sont fournis.
Lors de l'annonce de cette consultation par le premier ministre Jean Charest, des représentants des aînés avaient critiqué cette initiative en soulignant qu'un tel exercice avait déjà été fait et qu'il fallait maintenant passer à l'action. Cette semaine, la ministre Blais s'est engagée à «donner suite rapidement au rapport». Vraiment?
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j-rsansfacon@ledevoir.com