61 gouvernements

La démission du premier ministre italien Romano Prodi confirme une des singularités politiques de la péninsule: la culture de l'instabilité. Depuis 1948, date de fondation de la République, ce pays a été dirigé par 61 cabinets, dont le tiers au moins étaient corrompus. En un mot, on passe de l'un à l'autre aussi naturellement qu'on change d'année ou qu'on remonte sa montre.

Cet énième renversement a été décidé au Sénat lorsqu'une faible majorité a infligé un revers à Prodi. Cela étant précisé, on peut se demander si celui-ci aurait pu tenir la route quelques mois de plus, voire quelques semaines. Car entre les guerres intestines et incessantes qui avaient cours au sein de sa coalition et le déphasage observé entre les dirigeants et la population, tout le monde savait que les jours de Prodi étaient comptés.

Signe par excellence du malaise politique italien, les parlementaires ont davantage débattu de la réforme du mode électoral, réforme plus que nécessaire, que des problèmes notamment économiques avec lesquels les Italiens sont aux prises. La réforme? Sous l'impulsion de Prodi, les députés membres des «grosses» formations de sa coalition souhaitaient modifier le système de manière à éliminer ces mini-partis qui peuvent faire chavirer un gouvernement à leur guise. C'est d'ailleurs à la suite du départ de trois élus d'une minuscule formation que Prodi a décidé de se soumettre à un vote de confiance, avec le résultat que l'on sait.

L'économie? Au cours des trente glorieuses, la croissance moyenne du PIB a été de près de 6 %. Puis, dans les années 1980, elle a avoisiné les 4 %. Au cours de la décennie suivante, elle est tombée à 1,6 %. Depuis l'an 2000, le PIB progresse à raison d'un maigre taux de 1 % par année. Résultat de ce déclin: les Espagnols et les Irlandais sont désormais plus riches que les Italiens. Et cette déchéance, on s'en doute, les agace au plus haut point.

Le pire, c'est qu'ils ont oublié que Silvio Berlusconi a présidé au destin de l'Italie pendant plusieurs années. Et alors? Selon les sondages, il remporterait les élections par une marge de 10 à 12 %. On ne sera d'ailleurs pas étonné d'apprendre qu'il milite pour le coup d'envoi d'une autre campagne électorale. Et dire qu'il est en grande partie responsable du marasme politique qui secoue le pays depuis les changements qu'il a apportés au mécanisme du scrutin dans le but, évidemment, d'avantager sa formation!

Pour l'heure, le président du Conseil mène des pourparlers avec les uns, des négociations avec les autres, dans l'espoir de parvenir à un accord. Il souhaiterait qu'un cabinet provisoire soit formé et qu'il travaille justement à la réforme électorale souhaitée par Prodi et ses proches.

Si jamais le président échoue, alors Berlusconi accédera probablement au pouvoir. Au vu de ses réalisations lorsqu'il était premier ministre, il est écrit dans le ciel qu'il poursuivra le mélange des genres. Lequel? La conjugaison des intérêts personnels avec ceux de la nation.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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