Le péril américain
Le président George W. Bush a fait connaître hier son intention de présenter un programme d'urgence de quelque 145 milliards de dollars pour stimuler l'activité économique, durement frappée par la crise du crédit hypothécaire. Croisons les doigts dans l'espoir que l'oeil de la tempête ne remonte pas la côte jusqu'ici!
Peut-on affirmer que l'Amérique est en récession? Selon le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, il s'agit plutôt d'un ralentissement, c'est-à-dire que l'économie croît moins vite que l'an dernier, mais sans décroître pour autant, pour le moment du moins.Le premier problème avec une telle appréciation, c'est qu'elle n'est vérifiable que quelques mois après les faits; le deuxième, c'est qu'on ne peut pas trop se fier au président d'une banque centrale parce que cet homme sait que toute affirmation catégorique de sa part risque d'aggraver la situation. M. Bernanke ne peut donc pas se permettre de dire que l'Amérique est en crise, mais le fait qu'il se soit prononcé en faveur d'une intervention ponctuelle musclée lors de son passage devant un comité du Congrès, jeudi, donne un bon indice du sérieux de la situation.
Avant d'entrer en vigueur, le contenu du plan Bush devra faire l'objet de négociations avec les membres du Congrès. Pour le moment, républicains et démocrates ne s'entendent pas sur les mesures à prendre. Nous sommes en année électorale et l'économie est au premier rang des thèmes de la campagne.
Dans l'entourage du président Bush, on parle d'aide aux entreprises et de remboursement de 800 $ par Américain qui paie des impôts. Chez les démocrates, on exige que les 50 millions de travailleurs qui ne paient pas d'impôt reçoivent aussi un chèque de 800 $, en plus d'un prolongement de la période de prestations de chômage actuellement limitée à 26 semaines.
Quel que soit le résultat de ces négociations, un tel programme ne peut suffire à relancer la machine. Après tout, l'argent ne sera pas distribué avant l'été prochain...
Les responsables de la crise de confiance des consommateurs américains, ce sont les institutions financières qui ont alimenté la bulle immobilière en prêtant toujours plus d'argent à des ménages incapables de rembourser. En l'espace de quelques mois, le nombre de faillites a grimpé en flèche, forçant les institutions prêteuses, dont les plus grandes banques américaines, à rayer de leur bilan des dizaines de milliards de prêts perdus.
L'effet sur les consommateurs, sur les Bourses et sur l'économie en général a été catastrophique. Cela démontre jusqu'à quel point les institutions financières même les plus réputées peuvent sombrer dans le délire. Aujourd'hui, tout le monde paie pour leurs excès. Des réformes s'imposent aux règles d'emprunt, qui sont beaucoup moins sévères aux États-Unis qu'ailleurs en pays développés.
Malgré l'intervention de la Maison-Blanche, il faudra des mois avant que l'économie américaine ne retrouve la voie de la croissance. Entre-temps, il ne fait aucun doute que l'économie mondiale, celle du Canada, du Québec et de l'Ontario en tête, subira les contre-coups de ce ralentissement susceptible de dégénérer en récession. Il est encore trop tôt pour évaluer l'ampleur du séisme, mais tant individuellement que collectivement il faut s'y préparer.
Pour une fois, la bonne santé financière de nos gouvernements et les mesures fiscales autant que budgétaires annoncées avant même le ralentissement américain permettent de croire que nous éviterons le pire. Il faut l'espérer, car l'expérience du passé nous a montré qu'il fallait compter jusqu'à cinq ans pour retrouver les emplois perdus au cours d'une récession.
j-rsansfacon@ledevoir.com