Drôle d'idée
Tony Blair président du futur Conseil européen, il fallait y penser. C'est en tout cas le souhait de Nicolas Sarkozy qui, en tant que président de l'Union européenne pour les six derniers mois de l'année en cours, aura le pouvoir de parachuter Blair, s'il en a toujours l'intention, à la tête du Conseil. Sans se perdre dans les dédales bruxellois, mentionnons que le traité de Lisbonne prévoit les nominations, d'ici janvier 2009, d'un président du Conseil, d'un président de la Commission et d'un haut représentant aux Affaires étrangères.
Cela étant rappelé, Sarkozy s'est attelé à faire campagne pour le Britannique en l'invitant, par exemple, à faire un discours devant les élus de l'UMP. Le tout s'est accompagné d'un texte signé par l'ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin, publié dans le journal Le Monde, dans lequel celui-ci se fait l'avocat du désir exprimé, à voix basse il est vrai, par le président des coups d'éclat.Il n'en fallait pas plus pour que l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing ainsi que l'ancien premier ministre Édouard Balladur montent sur les barricades pour exprimer aussi clairement que fermement leur opposition au sacre de Blair. Celui-ci, c'est à noter, disposera d'une palette de pouvoirs qui réduira les chefs d'État actuels au rôle de quasi-figurants dans bien des dossiers.
Le propos de Giscard d'Estaing est limpide. D'après lui, «le futur président doit être en phase avec la majorité de son propre pays et appartenir à un pays qui respecte toutes les règles européennes». En ce qui a trait au sentiment des Britanniques vis-à-vis de l'UE, c'est un secret de Polichinelle que la majorité d'entre eux cultivent le scepticisme de longue date. Si le traité de Lisbonne devait être ratifié par référendum, ce que veulent plus de 50 % des Britanniques, il serait certainement rejeté.
Maintenant, pour ce qui est du respect des règles européennes auxquelles Giscard fait allusion, on se souviendra que le Royaume-Uni s'est avéré le champion des refus sur des sujets majeurs. Et ce, même s'il s'était engagé à observer les dispositions contenues dans le traité de Maastricht.
Pour résumer, précisons que Londres a remis aux calendes grecques l'adoption de l'euro, pour le plus grand plaisir de la City; que Londres n'a pas voulu adhérer à la convention de Schengen qui facilite entre autres la mobilité des Européens; que Londres a demandé d'être dispensée du respect de la Charte européenne des droits de la personne lors des négociations consacrées justement au traité de Lisbonne. À ces faits, ajoutons que Londres s'est avérée la championne des droits de retrait.
Quant à Balladur, son opposition est plus frontale, plus directe. En deux mots, il se demande comment on peut souhaiter la nomination d'un homme qui a adhéré aveuglement à l'aventure guerrière de Bush en Irak alors que bien des pays européens la combattaient. Nommer Blair, c'est ouvrir la barrière du poulailler au renard.