Le fumiste
En remportant les primaires du Michigan, Mitt Romney a relancé la course à l'investiture républicaine. À tel point qu'il est désormais possible, après les rendez-vous électoraux de la Caroline du Sud et de la Floride, qu'il y ait cinq vainqueurs différents. Signe des temps? Le républicain de coeur est volage.
Fils d'un ex-gouverneur du Michigan apprécié par ses concitoyens dans les années 60, Mitt Romney a dominé le scrutin d'avant-hier en attaquant avec force Washington et son principal adversaire, John McCain, sur le flanc économique. Selon le prétendant à la couronne républicaine, les élites de la capitale sont les principales responsables des déboires subis par les trois grands de l'automobile.McCain? En osant affirmer que jamais les emplois perdus dans l'automobile ne seront récupérés, le sénateur de l'Arizona dévoile, dixit Romney, le pessimisme qui l'habite. Pour régler le problème, il n'y a donc qu'une solution: votez pour l'optimiste Romney, qui va rapatrier tous les jobs perdus au profit de l'étranger et qui abaissera les normes antipollution imposées par les diaboliques Washingtoniens et donc contraires à l'évolution de l'industrie, voire à l'épanouissement de tous les habitants de l'État.
Bien. Jamais depuis l'amorce de la campagne un candidat n'avait formulé un discours aussi démagogique, aussi ridicule, pour reprendre le qualificatif du Washington Post, que Romney l'a fait. En tant qu'ex-financier, Romney sait pertinemment que les emplois effectivement soustraits au Michigan pour être alloués ailleurs sont une suite logique, pour ne pas dire naturelle, de cette mondialisation des marchés, cette globalisation des affaires, amorcée par son héros républicain Ronald Reagan et défendue par son modèle républicain George Walker Bush.
En pinçant les cordes les plus extrêmes du discours politique, en empruntant les accents du populisme le plus vulgaire qui soit, Romney est parvenu à se donner de l'espace pour la suite des choses. Espérons que cette suite soit contraire à celle qu'il souhaite de toute évidence afin qu'il soit renvoyé au plus vite dans ses foyers pour y composer un acte de contrition, mormon si cela lui sied. Car l'état actuel de l'économie étant l'ombre de ce qu'il était lorsque Bush est entré à la Maison-Blanche, nos amis américains ont besoin de candidats qui débattent franchement et intelligemment de l'objet et non d'apprentis sorciers.
D'autant que sur cette question, McCain avait raison. Il a eu la franchise de son opinion. Les emplois perdus ne seront pas récupérés. Et ce, à cause non pas de l'État fédéral mais bien du manque d'acuité qui a caractérisé deux générations de dirigeants qui s'attellent aujourd'hui, pour combler l'écart existant entre eux et les Toyota de ce monde, à créer des coentreprises avec la... Chine. Une Chine qui ne se contente plus de fournir les Dollarama en objets divers mais qui fabrique nos frigos, nos téléviseurs, nos ordinateurs, etc. Bref, une Chine, que cela plaise ou non, qui s'est adaptée aux diktats de l'économie comme
le voulaient les bonzes de Wall Street. Et qui, de surcroît, joue de sa monnaie comme la Réserve fédérale le fait, soit en défendant une politique nationaliste, que cela, encore une fois, plaise ou non.
Du prochain épisode, soit la primaire de la Caroline du Sud, il faut espérer un immense revers de fortune de Romney. Car les défis économiques, internationaux, environnementaux, intérieurs et autres nécessitent l'élimination de ces démagogues qui parasitent le débat. Dehors, les fumistes!