Le bricolage municipal

Après deux semaines de consultation en commission parlementaire, la ministre des Affaires municipales et des Régions, Nathalie Normandeau, semble résolue à faire adopter son projet de loi 22 modifiant la composition du conseil d'agglomération de Montréal, qui passerait à 80 personnes, y compris les 64 conseillers de Montréal et les maires des municipalités reconstituées. Un nouveau pouvoir de taxation sera cédé à Montréal, qui pourra réintroduire une taxe sur les divertissements et les repas au restaurant. La ministre maintient sa décision de créer un secrétariat autonome de l'agglomération dont le mandat consistera à fournir l'information demandée par les villes de banlieue. Un comité d'arbitrage sera aussi mis sur pied pour départager les responsabilités en ce qui concerne les équipements supramunicipaux dont les banlieues ne veulent pas.

Des amendements peuvent encore être apportés, mais dans l'ensemble, nous voilà quittes pour une autre vague de réformes à la pièce, frustrante parce que tout à fait dépourvue de la moindre étincelle de vision pour Montréal.

Imaginez un conseil d'agglomération de 80 élus, lesquels siègent déjà à leur conseil municipal respectif, à leur conseil d'arrondissement et, pour certains d'entre eux, à la Communauté municipale, qui regroupe les 82 villes et villages de la région métropolitaine élargie. Qui eût cru que le projet «Une île, une ville» de l'ex-maire Bourque, dont un des objectifs était de sabrer les structures, tournerait en un tel salmigondis d'organigrammes? N'oublions pas que chacun de ces conseils est doté d'une petite armée de fonctionnaires qui se disputent autant de privilèges que de responsabilités. Or voilà que Mme Normandeau y ajoute une autre bébelle bureaucratique, le secrétariat d'agglomération, dont on sait qu'il souffrira rapidement d'embonpoint sous la pression des municipalités reconstituées, avides d'études embêtantes pour Montréal.

Tout cela n'a vraiment aucun sens! Loin de rapprocher les citoyens du pouvoir, on les en éloigne de façon radicale. Demandez aux citoyens montréalais qui est responsable du zonage dans sa ville, du Jardin botanique, du déneigement, de l'aqueduc, du métro: pas un seul ne vous donnera quatre bonnes réponses sur cinq. Demandez-leur ensuite qui est le maire ou le président du conseil de son arrondissement, de sa Ville, de l'agglomération, du CMM et de la STM: là encore, pas un seul n'ira plus loin que d'associer le nom de Gérald Tremblay à la mairie de la ville.

Depuis qu'il est au pouvoir, le gouvernement Charest n'a fait qu'empirer les choses. Les dernières modifications sont des cataplasmes sur une jambe de bois. Montréal obtient un peu plus de pouvoir au chapitre de la taxation, mais qui oserait lever une nouvelle taxe sur les repas qui s'ajouterait au duo TPS-TVQ et aux pourboires, qui font déjà augmenter le prix d'un repas de 30 %?

La dilution du pouvoir à Montréal explique largement l'absence de leadership fort à la tête de la métropole. Alors que les fusions devaient s'attaquer à ce problème, la situation actuelle est pire qu'elle ne l'a jamais été. Merci, M. Charest!

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