Un nouveau parti vert?

L'arrivée de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral du Canada créera une nouvelle dynamique politique au Canada. D'emblée, on peut prédire que c'est davantage sur le plan des idées, plutôt que des personnalités, que l'effet Dion se fera sentir. S'il est trop tôt pour prédire ce qu'il sera, on peut néanmoins penser qu'il réussira à imposer sa ligne d'action sur au moins une question, l'environnement.

De Stéphane Dion, on ne s'attend pas à ce qu'il fasse vibrer les foules. Il n'y aura pas de Dionmanie. Son style est proche de celui de Stephen Harper et de celui Gilles Duceppe qui ne sont, ni l'un ni l'autre, de grands tribuns. C'est tant mieux. Cela laissera davantage d'espace à l'examen des idées.

Dans la course au leadership libéral, c'est sur ce terrain que le candidat Dion a réussi à s'affirmer. Il a multiplié les propositions sur une foule de sujets, mais c'est toutefois sa plate-forme environnementale qui a le mieux servi ses ambitions. Ce fut l'une des clés de sa victoire. Son passage au ministère de l'Environnement lui donnait l'autorité nécessaire pour s'approprier ce thème et mettre en avant un nouveau paradigme politique suivant lequel les mesures de protection de l'environnement assureront le développement économique et social du Canada.

Le succès de sa campagne incitera le nouveau chef libéral à persister. Sa vision a suscité un enthousiasme certain chez les militants, surtout chez les jeunes, qu'il pense pouvoir transposer auprès de l'ensemble des électeurs. La sensibilité des Canadiens à l'enjeu des changements climatiques peut de fait se traduire en votes, comme l'a montré l'élection complémentaire du 27 novembre dans la circonscription ontarienne de London-Centre Nord où le Parti vert a terminé en deuxième position et a recueilli 26 % des voix exprimées. Cela pourrait-il sceller l'issue des prochaines élections? Le nouveau chef libéral aimerait bien le croire.

L'avantage qu'aura le Parti libéral de Stéphane Dion sur les autres partis dans la course pour occuper cet espace est d'avoir déjà sous la main un programme complet intitulé Bâtir un avenir durable. Articulé autour de la réduction des gaz à effet de serre, ce programme inverse la proposition des opposants à la mise en oeuvre de l'accord de Kyoto. Loin d'être un facteur de ralentissement économique, celle-ci aurait un effet stimulant grâce notamment à une fiscalité verte incitative.

L'intérêt de Stéphane Dion est de maintenant s'imposer dans le débat environnemental comme le seul opposant aux politiques rétrogrades du gouvernement Harper. En réussissant à polariser le débat entre libéraux et conservateurs, il repousserait à la marge les autres partis pour mieux s'approprier leurs votes. Pour le Parti vert et le NPD, ce n'est certes pas une bonne nouvelle que l'arrivée du nouveau chef libéral. Également pour le Bloc québécois, dont une partie des électeurs pourrait se montrer sensible à l'idée d'élire un gouvernement vert.

Tout favorable que puisse lui être le terrain environnemental, la partie est loin d'être gagnée pour Stéphane Dion. Durant la course au leadership, ses adversaires, parce qu'ils ont fait l'erreur de le sous-estimer, n'ont pas attaqué son programme. De la part des autres partis, il n'échappera pas désormais à un examen critique serré. Plusieurs de ses propositions sont volontaires et sont, de ce fait, d'une efficacité bien incertaine. Surtout, ils lui rappelleront que le gouvernement libéral dont il faisait partie a aussi une large part de responsabilité dans l'incapacité actuelle du Canada à atteindre les objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés par l'accord de Kyoto. Et que son Plan vert d'avril 2005 avait été rejeté même par la Commissaire à l'environnement. Le débat des idées qu'il aime sera vigoureux.

À voir en vidéo