Harper rate la cible

Le premier ministre Stephen Harper avait choisi une scène bucolique de l'Ouest canadien mardi pour annoncer... qu'il faudra patienter jusqu'à la semaine prochaine avant de connaître le contenu d'un projet de loi destiné à protéger la qualité de l'air au pays. On nous avait annoncé un plan à la canadienne de lutte contre la pollution atmosphérique; nous voilà devant la promesse d'une autre grande consultation, la millième sur le sujet.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Harper s'est fait un devoir de mettre la hache dans le plan vert du gouvernement Martin destiné à remplir les engagements du Canada en matière de lutte contre les gaz à effet de serre.

Il faut dire que ce plan, concocté par l'ancien ministre Stéphane Dion après avoir fait plusieurs concessions de fond aux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre du pays, aurait coûté terriblement cher sans apporter de véritables changements à la situation canadienne actuelle. Ce n'est pas en achetant à coups de centaines de millions des droits de polluer auprès de pays étrangers qu'on peut prétendre s'attaquer au problème chez nous. D'ailleurs, dans le rapport qu'elle a remis il y a quelques jours, la commissaire fédérale à l'environnement, l'équivalent de la vérificatrice générale en la matière, Johanne Gélinas, reprochait au plan des libéraux de ne pas viser une réduction nette des émissions mais seulement un ralentissement de l'augmentation prévue d'ici 2012.

De leur côté, les conservateurs ne cachent même pas leur intention de limiter l'intervention canadienne à une diminution de l'intensité des émissions de gaz, ce qui équivaut à laisser la situation se détériorer à mesure que la production et la consommation de pétrole augmenteront. Selon M. Harper, l'avènement de nouvelles technologies et la possibilité d'enfouir le CO2 dans le sol suffiront pour qu'on puisse produire toujours plus de pétrole en Alberta sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre. À l'heure actuelle, il n'y a que les gens qui ne croient à l'existence d'un véritable problème qui sont aussi optimistes...

Avant la conférence de presse du premier ministre, flanqué de deux de ses ministres, cette semaine à Vancouver, tout le monde s'attendait à ce que le gouvernement présente enfin le plan global annoncé depuis des mois. Or, ce dont il a été question, ce n'est pas un plan mais un simple projet de loi sur la qualité de l'air qui, une fois rendu public la semaine prochaine, sera soumis à la consultation des entreprises et des groupes au cours de la prochaine année.

Pourquoi un projet de loi et non des mesures concrètes accompagnées des sommes nécessaires à leur application rapide? Ottawa dispose déjà de toutes les lois pour s'attaquer à la pollution atmosphérique et, de façon plus particulière, aux gaz à effet de serre, ainsi que l'exige la signature du Canada au bas de l'entente de Kyoto. Ça fait dix ans qu'on consulte! Les conservateurs eux-mêmes reprochaient au gouvernement libéral de passer son temps à consulter au lieu de passer à l'action. Pourquoi une telle approche?

La réponse tient à deux facteurs principaux. Le premier: ce gouvernement ne croit toujours pas à l'urgence de la menace du réchauffement atmosphérique même si des constats évidents prouvent le contraire, notamment dans le Nord canadien, où les glaciers fondent plus vite que les modèles les plus pessimistes le prévoyaient. Le second: 31 % des émissions de gaz à effet de serre du pays résultent de l'exploitation pétrolière en Alberta, province dont tous les députés sont conservateurs. Voilà pourquoi le gouvernement Harper ne fera rien de concret pour s'attaquer au problème.

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j-rsansfacon@ledevoir.com

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