Un nécessaire aggiornamento

Nombreux sont ceux qui, au sein du gouvernement Landry et du Parti québécois, voudraient engager une réflexion sur le volet social-démocrate du programme péquiste. Le ministre Joseph Facal est celui qui a dit le plus clairement les choses à cet égard, mais en haut lieu, celles-ci ne sont pas entendues. Manifestement, on ne veut d'ailleurs pas les entendre.

S'il y a un élément qui est clairement ressorti des propos tenus hier par le premier ministre Bernard Landry à l'occasion de sa visite au Devoir, c'est qu'il ne voit pas la nécessité d'une telle réflexion. Il se voit comme l'homme de la continuité, l'enjeu des prochaines élections étant, selon lui, la continuation d'un gouvernement efficace doté de principes solides.

Les propos de M. Landry sont intéressants en ce qu'ils nous révèlent certains aspects de l'homme politique qu'il est. Depuis qu'il a pris la succession de Lucien Bouchard à la tête du Parti québécois, il aurait eu plusieurs occasions de procéder à des remises en cause. Il n'a pas voulu être le Tony Blair de son parti et il ne tentera pas de l'être, surtout pas à quelques mois des élections. Ce n'est pas que le chef péquiste récuse le changement. Il rappelle que le modèle québécois a beaucoup évolué au cours de la dernière décennie, notamment sous son impulsion, mais, dit-il, il n'est pas partisan du changement pour le changement.

Le pari que fait le premier ministre est que les électeurs qui sont attirés par le programme adéquiste déchanteront à mesure qu'ils se rendront compte de la futilité des espoirs placés dans le parti de Mario Dumont. On peut compter que M. Landry mettra d'ailleurs toute sa détermination à ramener à la bergerie péquiste les brebis égarées en s'appuyant pour cela sur le bilan de son gouvernement. L'analyse qu'il fait est juste dans la mesure où l'attrait de la nouveauté pour la nouveauté est la principale motivation d'un certain nombre d'électeurs. Elle ignore par contre le fait que d'autres électeurs, et ils sont nombreux, sont à la recherche d'approches nouvelles en politique et qu'ils ne les trouvent pas à l'heure actuelle au Parti québécois ou au Parti libéral.

Le constat qu'a fait Joseph Facal va dans ce sens. Au fil des ans, comme dans nombre d'autres sociétés occidentales, de nouvelles valeurs ont émergé au sein de la société québécoise. La prospérité économique a ainsi rendu les Québécois plus sensibles à un discours individualiste. Les politologues parlent d'individualisation. Ce n'est pas tant que les Québécois rejettent tout à coup une valeur comme la solidarité sociale, qui s'est retrouvée depuis la Révolution tranquille au coeur des programmes tant du Parti québécois que du Parti libéral, mais plutôt que leur rapport à l'État a changé et qu'ils veulent plus de liberté de choix.

Cette évolution, le Parti québécois n'en a pas pris acte ces dernières années, son attention étant tournée presque exclusivement vers ce référendum qui devait venir aussitôt les conditions gagnantes réunies. Malgré le choc brutal des élections partielles du mois de juin, on a l'impression qu'on aime mieux continuer d'ignorer ces transformations par peur de devoir se remettre en cause. Qu'on le veuille ou non, ces changements pèseront lourd le jour du scrutin si on n'arrive pas à s'y adapter.

Le temps est maintenant compté au Parti québécois, qui ne pourra pas, à quelques mois des élections, procéder à l'aggiornamento qui s'impose. Néanmoins, les assises qui auront lieu en début d'année pourraient être l'occasion d'amorcer une réflexion et d'engager un débat qui, à défaut d'apporter toutes les réponses, ouvrira des perspectives de renouveau et témoignera d'une attitude nouvelle. À cet égard, ce sera aux militants péquistes de vaincre les réticences de leur chef et de lui faire comprendre la nécessité pour le Parti québécois de se tourner vers l'avenir.

bdescoteaux@ledevoir.ca

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