Trop d'irrégularités

L' enquête que le gouvernement a lui-même menée sur son système de commandites confirme que de nombreuses irrégularités ont entaché les règles d'attribution de contrats à des firmes proches du pouvoir.

Personne n'est surpris des conclusions du rapport. Mais l'opposition estime, à juste titre, que seule une enquête publique indépendante permettra d'aller au fond de cette coûteuse saga.

Dans le but d'endiguer le flot ininterrompu de révélations sur les contrats à des amis du régime, le gouvernement, avant l'été, avait annoncé diverses enquêtes. Celle que vient de conclure le ministre des Travaux publics, Ralph Goodale, ne va pas au fond des choses, loin s'en faut. N'empêche. Même en tentant de limiter ses critiques à la sphère purement administrative, le rapport conduit à s'interroger sur le rôle des élus dans ce manque systématique de rigueur. Surfacturation, taux exagérés de rémunération, absence de documents montrant que les travaux demandés ont été faits: les manquements ne se comptent plus. 126 entreprises qui avaient toutes reçu des contrats d'une valeur dépassant les 500 000 $ ont été examinées. Douze firmes québécoises faisaient partie de la liste, mais trois ont accaparé la part du lion: les contrats de Groupaction s'élevaient à plus de 43 millions, ceux du Groupe Everest, à plus de 21 millions, et ceux de Lafleur Communication, à 18 millions. Le ministre des Travaux publics parle aujourd'hui de récupérer des sommes versées en trop mais demeure vague à souhait sur les sommes en jeu.

Ces renseignements prennent tout leur sens lorsqu'on les ajoute aux faits déjà connus. Ils viennent une nouvelle fois confirmer que le gouvernement de Jean Chrétien était prêt à verser beaucoup de millions à ses amis libéraux afin qu'ils noient le Québec sous la propagande fédérale.

Ce petit système de copinage visant à sauver le pays en rétribuant grassement les amis n'était pas limité à une province. Ces derniers jours, il fallait voir le solliciteur général Lawrence MacAulay tenter de justifier l'octroi d'un contrat, sans appel d'offres, à son ancien agent officiel à l'Île-du-Prince-Édouard. Le conseiller à l'éthique fait enquête, mais on voit mal comment le ministre pourrait être blanchi alors qu'un de ses ex-collègues, Art Eggleton, a perdu son poste à la suite d'un impair similaire.

Le gouvernement fédéral, premier ministre en tête, conserve au-travers de ces difficultés une arrogance qui laisse pantois. Comme si, par un effet de pensée magique, les problèmes disparaîtront si on les nie. Or, comme chacun sait, rien n'est plus éloigné de la vérité.

L'enquête du ministère des Travaux publics pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Il est vrai que la GRC poursuit sa propre enquête, mais son examen restera partiel. Seule une enquête publique indépendante pourrait faire toute la lumière sur l'ampleur des accrocs qui ont caractérisé l'attribution des contrats aux firmes amies et permettre de déterminer d'où provenaient les ordres. Mais enquête publique ou pas, il semble déjà acquis que c'est un premier ministre passablement éclaboussé qui quittera la vie politique dans un avenir prochain.

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