Un consensus insuffisant

C'est donc à l'unanimité que les «partenaires» du Québec ont adopté la résolution présentée par le premier ministre Bernard Landry et demandant à Ottawa de rétablir l'équilibre fiscal entre le fédéral et les provinces. Bravo, on n'en souhaitait pas tant! Mais le plus important reste à faire: créer un front uni des provinces pour opposer un rapport de force dont le pouvoir politique à Ottawa ne pourrait faire abstraction. De cela, nous sommes encore bien loin.

Au lendemain de la remise du rapport de la Commission sur le déséquilibre fiscal, en mars dernier, le gouvernement du Québec croyait disposer d'une arme politique puissante pour affronter Ottawa. Certains imaginaient même la tenue d'un référendum sur le rapatriement de points d'impôt qui relancerait la bataille constitutionnelle et ferait mousser la popularité du Parti québécois auprès de l'électorat souverainiste.

Lors de la rencontre des dix premiers ministres provinciaux, l'été dernier, le premier ministre Bernard Landry a joué de stratégie dans un autre dossier chaud, la ratification de l'accord de Kyoto, pour ne pas briser l'image d'un front uni des provinces dans le dossier du financement de la santé. Ensemble, les premiers ministres ont revendiqué la tenue d'une rencontre officielle avec leur homologue fédéral, M. Chrétien, qui a accepté, mais seulement après le dépôt du rapport de la commission royale d'enquête Romanow, attendu en novembre.

Pour le premier ministre du Québec, le consensus intervenu cette semaine entre tous les partenaires de la société québécoise, y compris les trois partis politiques, devrait donc servir à créer un rapport de force avec Ottawa. Mais dans la conjoncture actuelle, ce rapport de force n'est pas politiquement significatif et n'aura d'effet réel que si le Québec réussit à rallier une majorité de provinces à l'idée d'un plus grand équilibre fiscal entre celles-ci et Ottawa. Parions plutôt qu'Ottawa, qui refuse obstinément l'idée même d'un déséquilibre, suggérant plutôt aux provinces d'augmenter leurs impôts et au Québec de fermer ses délégations à l'étranger pour obtenir la marge de manoeuvre manquante, fera tout pour diviser les troupes en offrant un peu d'argent sonnant aux provinces en échange d'une adhésion à ses projets de réforme en santé.

Au moment de signer l'Union sociale canadienne en santé, en 1999, le Québec s'était opposé à une telle entente-cadre qui l'aurait forcé à rendre des comptes dans un domaine de compétence provinciale exclusive. Après des années de compressions qui ont réduit de façon considérable la participation fédérale en santé, Ottawa serait maintenant prêt à échanger une légère augmentation de sa contribution contre un droit de regard dans la réforme du système qui sera proposée par la commission Romanow.

Dans un tel contexte, Québec aura fort à faire d'ici la rencontre fédérale-provinciale de janvier pour convaincre les neuf autres provinces que le problème canadien n'est pas d'abord une question de mauvaise gestion du système de santé mais surtout de déséquilibre fiscal qui va croissant entre celles-ci et Ottawa. Pourtant, les provinces partagent la conviction qu'un tel déséquilibre existe au pays, mais leur pragmatisme et les pressions dont elles font l'objet de la part des défenseurs d'un système canadien uniforme les conduisent à couper court et à accepter l'argent du fédéral, même au prix d'une ingérence accrue d'Ottawa en santé.

La vie politique québécoise ayant été monopolisée par la montée fulgurante de l'ADQ depuis quelques mois, la question du déséquilibre fiscal a été reléguée au second rang parmi les thèmes qui préoccupent le public. De cheval de bataille potentiel d'un gouvernement en mauvaise posture sur l'échiquier électoral, le sujet a perdu de son intérêt stratégique, et ce, malgré son importance objective. Aux prises avec cette réalité, le premier ministre Landry devra faire rien de moins que des miracles afin de réussir à ébranler ne serait-ce que très légèrement les colonnes du trésor fédéral.

jrsansfacon@ledevoir.ca

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