Comment se préparer financièrement à une crise énergétique?
Votre article du samedi 2 juillet 2005, en réponse à D. Clapin-Pépin, professeur à l'UQAM, me donne l'occasion de réaliser un projet que je préparais depuis quelques semaines: vous écrire sur les conséquences que la crise énergétique et écologique mondiale devrait avoir sur nos stratégies de placement.
Je n'ai pas l'intention de reprendre ici l'analyse de M. Clapin-Pépin. Mais il m'apparaît de plus en plus évident, comme beaucoup d'autres, que nous nous dirigeons vers une crise écologique et énergétique majeure. Nous approchons du moment où la production de pétrole va inexorablement diminuer. Ce "Peak Petroleum" (quel que soit le moment où on le situe), combiné avec d'autres facteurs (forte consommation dans toute l'Amérique du Nord, augmentation de la demande en Chine et bientôt en Inde, etc.), devrait générer une flambée internationale des cours du pétrole, qui devrait entraîner une inflation généralisée, laquelle aura des conséquences majeures sur les économies de tous les pays. Les scénarios catastrophe prévoient ces bouleversements pour les prochaines années. D'autres, plus optimistes, les situent dans une période de 20 à 30 ans. Pour certains optimistes, il ne faut pas s'inquiéter, nos sociétés sauront s'ajuster comme elles l'ont toujours fait.Étant plutôt réaliste, je me questionne sur les conséquences que ces bouleversements devraient avoir sur nos stratégies de placement. Comment se préparer (financièrement) aux conséquences (sur nos revenus) de ces bouleversements? Comme je suis à la retraite, cette question me préoccupe et je fais confiance à vos conseils éclairés.
- Retraitée, je bénéficie d'une rente de retraite brute d'environ 39 000 $, mais qui n'est que très partiellement indexée.
- Je suis propriétaire d'un logement entièrement payé, dans un quartier recherché, d'une valeur d'environ 250 000 $.
- Ma voiture est payée et je compte la garder pour les six ou sept prochaines années.
- J'ai quelques économies investies dans des REER (dans des institutions financières fiables):
- Fonds FTQ: 12 500 $;
- CPG Indice action capital garanti: 32 000 $;
- placement dans un fonds d'actions: 11 000 $;
- un portefeuille de placements conservateurs, dont la moitié en titres à revenus fixes (Hydro-Québec, Province de Québec); l'autre moitié est constituée d'actions de grandes compagnies canadiennes: 60 000 $.
Actuellement, je suis à l'aise dans cette situation, mais je me questionne beaucoup sur les conséquences d'une crise énergétique et économique sur ma situation. Comment se préparer financièrement? Dans un contexte d'inflation généralisée, qu'advient-il de placements à long terme, avec coupon de 6 %? Même question pour tous les autres placements.
Je vous remercie pour votre intérêt et vos conseils qui, j'en suis certaine, devraient concerner beaucoup de personnes... lesquelles, peut-être, ne sont pas encore préoccupées par ce que nous réserve l'avenir.
M. J.
Se prémunir contre les prix du pétrole
Comment se prémunir financièrement face à l'actuelle flambée du prix du pétrole? En réservant dans son portefeuille une place (20 % environ de la valeur totale du portefeuille) aux actions de grandes compagnies oeuvrant directement dans le secteur de l'énergie. Bien sûr, au menu se trouvent les actions de nos quelques grandes compagnies pétrolières. Mais il y a aussi celles d'autres grandes compagnies qui oeuvrent dans les secteurs de l'électricité, du gaz naturel, voire du nucléaire. Car pénurie il y a dans le secteur énergétique en général. Finie la période (celle des années 90) où la croissance économique pouvait se réaliser dans un contexte de faibles prix des diverses sources d'énergie. Désormais, si croissance économique il y a (et il y a), elle se fera dans un contexte de coûts énergétiques beaucoup plus élevés.
L'or mérite également dans un tel contexte une place dans votre portefeuille. Si la flambée du prix du pétrole et des autres sources d'énergie doit ultimement déboucher sur un retour en force de l'inflation, le métal jaune sera aux premières loges pour en bénéficier.
Notez que, dans le cas des actions de grandes compagnies pétrolières, leurs cours ont déjà grimpé sensiblement. Pour prendre position dans cette industrie, il faut être patient et tenter de dénicher des actions qui s'échangent encore à un multiple raisonnable par rapport à leurs fonds autogénérés potentiels. Les titres de plusieurs de ces entreprises s'échangent à dix fois et plus les fonds autogénérés potentiels, ce qui est très élevé.
Certes, le quasi-déséquilibre actuel provoqué par une croissance de la demande plus forte que celle de l'offre risque de durer plusieurs années dans le cas de l'or noir. Mais il ne faut pas croire que le tout se terminera par un choc pétrolier et ultimement par une récession. Il faut ici se rappeler que l'actuel déséquilibre nous vient de la faiblesse des dépenses d'exploration réalisées durant les années 90, faiblesse causée par le bas prix du baril de pétrole (celui-ci s'est maintenu à moins de 15 $US pendant une bonne partie de cette décennie). Or l'actuelle flambée du prix du pétrole est certainement de nature à stimuler les dépenses d'exploration pour les prochaines années. Au Canada, cela se traduit déjà par des investissements à venir de plus de 80 milliards de dollars dans les sables bitumineux de l'Ouest canadien (c'est presque l'équivalent de sept Baie-James).
Et il nous faut compter avec les nouvelles technologies plus performantes, tant du côté de la production pétrolière que du côté de l'automobile. Dans ce dernier cas, la solution existe déjà pour réduire sensiblement la consommation d'essence. Cette solution s'appelle la voiture hybride. Dans quatre ou cinq ans, les grands fabricants seront en mesure de se lancer dans la production de masse de tels véhicules. Et, d'ici-là, les chances sont excellentes que ces véhicules puissent atteindre une autonomie de plus de 60 kilomètres sur leur seul pouvoir électrique. Or, présentement, les citadins parcourent en moyenne 44 kilomètres par jour. Autrement dit, ceux-ci seront en mesure de se déplacer en ville presque uniquement sur le seul pouvoir électrique de leur automobile. Si cela se produit, les Américains seraient en mesure de charcuter leur consommation de pétrole, qui passerait de près de 22 millions de barils à aussi peu que huit millions de barils par jour. Voilà une éventualité qui viendrait modifier la donne pour tout le secteur pétrolier. C'est pourquoi, dans le cadre de la gestion de son portefeuille, tout en prenant position dans l'industrie pétrolière, il ne faut pas négliger les autres secteurs prometteurs de notre économie.
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