Faites fructifier votre épargne comme jamais

« Faites fructifier votre épargne comme jamais. » C’est le titre accrocheur d’une campagne de publicité d’une grande banque canadienne qui offre actuellement un taux d’intérêt promotionnel de 5 % pour ses comptes à intérêts élevés.

Avec les rendements généralement décevants des portefeuilles en 2022 et l’incertitude économique résultant de la lutte contre l’inflation, je peux facilement imaginer que nombreux sont ceux qui se demandent s’il ne serait pas plus sage d’utiliser temporairement ce type de compte afin de sécuriser leurs avoirs. Surtout devant les risques d’une récession imminente. Je n’affirme pas ici que la récession est imminente. Mais cette question m’a été posée par plusieurs personnes dans la dernière semaine, et j’en conclus que ces craintes sont de plus en plus grandes pour certains.

L’attrait pour cette promotion, tout comme pour les produits de placement garanti en ce moment, appelle à faire certaines distinctions importantes.

Épargner ou investir

 

La publicité dont il est ici question n’est pas trompeuse. Un rendement garanti de 5 % permet effectivement une accélération de l’épargne. Épargner est à la base même de finances personnelles saines. Ainsi, un compte à intérêts élevés représente le véhicule idéal pour financer votre fonds d’urgence et faire fructifier votre épargne accumulée pour des projets à court terme, soit généralement dans un horizon de douze mois.

L’investissement boursier est généralement privilégié pour les objectifs à moyen terme, comme le financement de projets spéciaux (ex : entreprise, chalet) qui sont dans un horizon de temps éloigné ou, bien sûr, en prévision de la retraite. Bien qu’il soit possible qu’un portefeuille boursier génère un rendement plus qu’intéressant à court terme, cette prime de rendement potentiel est accompagnée d’un risque supplémentaire qui ne convient pas à tous les profils de tolérance aux risques.

Garder l’argent investi,la base de l’investissement

Une des règles pour s’enrichir à la Bourse est de ne pas essayer d’anticiper les fluctuations des marchés en les quittant et en les réintégrant. Si les 5 % d’intérêts sont garantis, il faut se rappeler qu’ils ne le sont que pour une période de quelques mois. Ainsi, si vous vendez des titres toujours en perte après le recul de 2021-2022, vous manquerez potentiellement la remontée.

Par ailleurs, dans l’exemple donné, la promotion ne s’applique pas aux comptes enregistrés. Il faut aussi tenir compte du fait que les revenus d’intérêts sont pleinement imposables. Le paradoxe est ainsi amplifié du fait que vous devriez détenir des placements qui génèrent du revenu d’intérêts idéalement dans vos comptes enregistrés, par exemple vos REER, CELI, CELIAPP, REEE.

Pour les gens au profil d’investisseur très conservateur, les produits garantis sont pertinents. Les CPG (certificats de placement garanti) étant encore populaires, vous devriez, avant d’en acheter, réfléchir en premier lieu à la distinction à faire entre épargne et investissement. Ensuite, seulement, vous pourrez penser à l’optimisation fiscale de vos revenus de placements.

La récessionet les marchés boursiers

 

Régulièrement, les risques de récession font couler beaucoup d’encre, car ces périodes représentent des phases économiquement difficiles bien que somme toute assez rares. S’il est naturel de vous demander comment réagira l’économie en cette période de resserrement de la politique monétaire, vous devriez maintenir vos investissements pour le long terme.

En résumé, vous devez retenir ici deux éléments. Le premier, c’est qu’il se peut fort bien que le creux du marché ne soit pas encore atteint, et ce, malgré le mirage projeté par la remontée notée en début de l’année. Le passé nous apprend que les actions plafonnent avant le début de la récession et atteignent leur creux avant la fin de celle-ci. Donc, si les risques de récession se matérialisent, le marché présentera des occasions d’investissement, la remontée des marchés suivant les récessions ayant été, par le passé, plus longue que la période de baisse.

Le deuxième élément à retenir, c’est qu’historiquement certains secteurs se comportent plutôt bien en période de récession. C’est le cas des secteurs de la consommation et de la santé. L’idéal est donc de miser sur un portefeuille diversifié, ce qui permet d’équilibrer les performances des différents secteurs en fonction du cycle des marchés.

En somme, le marché des actions qui se replie est un signe que les investisseurs croient qu’une récession est à nos portes. Lorsque celle-ci arrive réellement, les marchés remontent rapidement, puisque les projections de l’avenir se clarifient. Vous ne voudrez surtout pas manquer cette reprise pour vos objectifs à long terme, peu importe la promotion ou le produit garanti qu’on peut bien vous faire miroiter.

Planificatrice financière, Sandy Lachapelle est présidente du cabinet indépendant Lachapelle finances intelligentes.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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