La Banque du Canada en rajoute. Pourtant…
La Banque du Canada en rajoute. Après une pause en mars et avril, le taux cible du financement à un jour passe à 4,75 %. Avec le regard dans le rétroviseur, dirigé vers la résilience de l’économie affichée au premier trimestre, la banque centrale estime que sa politique monétaire n’est pas suffisamment restrictive. Pourtant…
Dans son communiqué, la Banque du Canada évoque une croissance du PIB plus vigoureuse que prévu au premier trimestre, avec une progression de la consommation « étonnamment forte et généralisée » même ajustée pour tenir compte d’une croissance démographique gonflée par l’immigration. Elle ajoute aussi à son étonnement que les dépenses en biens sensibles aux taux d’intérêt ont augmenté et que l’activité sur le marché du logement s’est raffermie récemment, avec une demande printanière bien ressentie sur le marché de la revente. Quant au marché du travail, la tension ne baisse pas. Bref, « dans l’ensemble, la demande excédentaire dans l’économie paraît plus persistante qu’anticipé ».
Sur la base de l’accumulation des données, le Conseil de direction de la Banque du Canada va continuer d’évaluer la dynamique de l’inflation fondamentale et les perspectives de l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation. « Il évaluera particulièrement si l’évolution de la demande excédentaire, les attentes d’inflation, la croissance des salaires et les pratiques de fixation des prix des entreprises sont compatibles avec l’atteinte de la cible d’inflation. »
Peu avant l’annonce, Statistique Canada illustrait cette tension sur le marché du travail amplifiée par un autre recul de la productivité au premier trimestre, soit une quatrième diminution trimestrielle d’affilée. La production des entreprises a tout de même renoué avec la croissance après une contraction au trimestre précédent, soutenue en cela par une accélération de l’augmentation des heures travaillées, qui a continué de dépasser celle de la production. Les coûts de la main-d’oeuvre par unité de production ont ainsi crû pour un cinquième trimestre d’affilée, sous l’effet combiné de la croissance de la rémunération moyenne par heure travaillée et de la baisse de la productivité.
Mais aujourd’hui…
Quant au moment présent et puisque la Banque du Canada concentre son offensive sur l’affaiblissement de la demande, il serait pertinent de situer cette neuvième hausse du taux directeur depuis mars 2022 dans un contexte de durcissement récent des conditions d’octroi du crédit chez les institutions financières, qui peut facilement équivaloir à une hausse ou deux de 25 points de base selon le degré d’intensité. S’y greffe la répercussion du resserrement quantitatif sur la courbe de rendement. Et avec, en toile de fond, une austérité monétaire faisant désormais ressentir son plein effet.
Dans ses données sur l’inflation d’avril, Statistique Canada n’a pas été sans mettre en exergue tout le poids de la hausse des taux d’intérêt dans l’augmentation en accéléré du coût de la vie. « D’une année à l’autre, la hausse des prix des loyers et du coût de l’intérêt hypothécaire a contribué le plus à l’augmentation de l’indice des prix à la consommation d’ensemble observée en avril », a-t-elle écrit. L’agence fédérale soulignait que les frais de logement se sont accrus de 4,9 % d’une année à l’autre en avril, après avoir progressé de 5,4 % en mars.
« Les Canadiens ont continué de débourser davantage pour le coût de l’intérêt hypothécaire en avril (+28,5 %) par rapport à avril 2022, sous l’effet d’une hausse du nombre de prêts hypothécaires obtenus ou renouvelés à des taux d’intérêt plus élevés. En avril, le contexte de l’augmentation des taux d’intérêt pourrait également avoir contribué à la croissance des prix des loyers (+6,1 %) en stimulant la demande de logement locatif. »
D’ailleurs, Equifax Canada indiquait mardi que, malgré le ralentissement du marché hypothécaire, la dette totale des consommateurs au premier trimestre s’inscrivait en hausse de 4,9 % par rapport à la même période l’année dernière, sous le coup d’une augmentation continue des soldes de cartes de crédit. Dans ce segment, on mesure une hausse des soldes de 14,5 % par rapport au premier trimestre 2022.
À l’échelle canadienne, 175 000 consommateurs supplémentaires ont amorcé 2023 en situation de défaut de paiement (taux d’arriérés de 90 jours et plus) lié à au moins un produit non hypothécaire, ce qui représente une augmentation de 18,8 % par rapport au premier trimestre 2022.
Si le taux d’arriérés se veut plus important chez les consommateurs sans prêt hypothécaire, « les données récentes révèlent un nombre croissant de détenteurs de prêts hypothécaires affichant des défauts de paiement sur des produits non hypothécaires, reflétant une augmentation de 15,7 % par rapport au premier trimestre de 2022. Cette augmentation en glissement annuel représente presque le double du taux observé au trimestre précédent [8,9 % entre les quatrièmes trimestres de 2021 et 2022] », souligne l’agence.
Les propriétaires renouvelant leur prêt hypothécaire subissent la pleine mesure de la forte et rapide augmentation du loyer de l’argent. « Nous commençons désormais à observer davantage de propriétaires aux prises avec des difficultés financières, en particulier à la suite des renouvellements de prêts hypothécaires, alors que les paiements augmentent de manière significative », fait ressortir Equifax, qui ajoute que le taux d’insolvabilité a augmenté de 28,5 % par rapport au premier trimestre 2022. Ce taux reste essentiellement sous forme de propositions aux créanciers, qui affichent une hausse de 36,5 %.
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