Gare aux dangers des verres fumés

Avec l’arrivée tardive néanmoins magique de la météo estivale, crème solaire, chapeaux et lunettes fumées ont repris leur rôle principal dans notre quotidien. Peut-être ne le saviez-vous pas, mais il faut prendre garde aux verres fumés. Ceux-ci ont un superpouvoir, à la fois agréable, mais potentiellement dangereux : ils nous font voir la vie en rose.

N’avez-vous pas déjà ressenti cette ivresse à l’aube des beaux jours d’été ou de vos vacances, celle qui vous procure un sentiment de légèreté et de liberté tel qu’il vous fait oublier rapidement vos objectifs financiers et budgétaires ? Cela est tout à fait naturel. L’humain recherche des situations qui favorisent la libération d’endorphines. Pour les Québécois, l’extase des beaux jours est, selon moi, amplifiée par les longs hivers et le manque d’ensoleillement. Nous sommes résilients, climatiquement parlant, mais nous sommes conséquemment plus enclins aux récompenses parce que « nous le méritons bien », n’est-ce pas ?

Puisque la saison des vacances est à nos portes, il me semble sage de réfléchir quelques instants aux dangers potentiels des verres fumés sur nos finances personnelles.

Vous êtes votre pire ennemi

 

Malheureusement, un budget ne peut être utile s’il est basé sur le mérite, la compensation, la joie ou la tristesse. On dit que plus les émotions sont intenses, plus l’intelligence faiblit. Ainsi, soyons clairs : il est beaucoup plus aisé de préparer ce document financier que de le suivre. Que vous ayez un budget depuis longtemps, ou que vous ayez décidé de vous y résoudre cette année pour la première fois, le même piège vous guette à l’aube des vacances : celui de vous laisser emporter par la douce folie qu’apporte la canicule.

Avec ce piège en tête, vous gagneriez certainement à ressortir ce fameux budget pour en faire une analyse vous permettant de voir où vous en êtes réellement sur le plan des revenus et des dépenses. Cela vous permettra de calculer si vous avez une marge de manoeuvre pour la période estivale qui s’amorce ou si vos dépenses à ce jour sont déjà plus importantes que planifiées. Ces constats devraient vous guider dans vos plans pour l’été en vous permettant de rajuster vos postes de dépenses consacrés aux plaisirs estivaux comme les restaurants, les vacances, les sorties avec les enfants.

En réalisant cet exercice avant le début de vos vacances, la tête plus froide, vous vous donnerez toutes les chances d’atteindre vos objectifs. Vous pouvez également prendre le temps de discuter en couple et/ou en famille des priorités que vous devrez peut-être établir cet été avec la hausse du coût de la vie. Dans le cas contraire, les probabilités que vos dépenses estivales soient plus élevées qu’anticipées, puisque guidées par la joie du moment et un cerveau grisé par un désir de liberté et de jouissance, sont beaucoup plus élevées.

La comparaison, c’est non

La comparaison, jamais gagnante, l’est encore moins en matière de finances. Chaque individu, chaque famille, chaque couple vit une réalité qui lui est propre qui se caractérise par un système de valeurs et une relation plus ou moins émotive à l’argent. La période des vacances, pour plusieurs, est source de comparaisons malsaines. En cette ère où la troisième dimension bien réelle côtoie l’univers parallèle des médias sociaux, vous aurez toujours l’impression de devoir consommer davantage pour impressionner la galerie. Vivre sa « meilleure vie » peut coûter cher quand on n’en a pas vraiment les moyens financiers.

Le budget vacances pour certains est plus généreux, pour d’autres, il est plus restreint. Mais n’oubliez pas ce que cachent les publications des gens qui semblent si heureux à voyager, à être bien habillés ou à organiser des activités rocambolesques pour leurs enfants : le solde de leur carte de crédit. Le danger de la comparaison est que vous sous-estimerez certainement la proportion d’individus dont la vie semble si bien remplie, mais qui doivent composer avec une situation financière peu enviable.

Les ménages canadiens sont de plus en plus endettés. On les dit « résilients », ce qui d’ailleurs me fait friser les oreilles. Car cette augmentation du financement pour assumer une part de plus en plus grande du coût de la vie personnelle signifiera tôt ou tard une diminution de l’épargne pour la retraite et une dégradation de la sécurité financière de ces ménages.

Il est naturel que le contexte économique actuel et les enjeux d’inflation puissent vous donner l’impression que le défi de concilier plaisir et gestion des finances est plus grand cette année. Certains choix pourraient s’avérer plus difficiles, mais n’oubliez pas que, malgré tous les biais cognitifs qui influencent nos décisions financières, vous êtes le seul maître de vos finances.

Apprendre à se connaître permet de faire des choix financiers plus conscients et structurés. Surtout, cela aide à demeurer rationnel, même une fois les lunettes de soleil enfilées…

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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