Une importante vague de ventes d’entreprises s'apprête à frapper

Le monde de l’entrepreneuriat doit se préparer à être balayé par une importante vague de ventes d’entreprises dans les dix prochaines années. Le repreneuriat sera à la mode… dans une conjoncture plus austère.

Les sondages divergent, mais la tendance de fond demeure. En janvier, un nouveau rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) parlait de plus de 2000 milliards de dollars en actifs commerciaux étant susceptibles de changer de mains, avec 76 % des propriétaires de PME prévoyant passer le relais d’ici 10 ans.

Il y a deux semaines, selon l’indice entrepreneurial québécois dévoilé par Réseau Mentorat et ses partenaires, on pouvait lire que six propriétaires sur dix comptent vendre ou céder leur entreprise dans le même intervalle de temps. Toutefois, près de sept propriétaires sur dix âgés de 50 à 64 ans « vont prendre leur retraite ou se retirer des affaires dans dix ans ou moins, générant une véritable vague d’entreprises disponibles au transfert ».

D’ailleurs, la retraite est la principale raison invoquée par les chefs d’entreprise pour passer le flambeau (75 %), nous dit la FCEI. L’épuisement est mentionné par 22 % d’entre eux, alors que 21 % affirment vouloir prendre du recul par rapport à leurs responsabilités. Derrière tout cela, seulement un propriétaire d’entreprise sur dix a prévu un plan de relève formel écrit. Par ailleurs, l’indice entrepreneurial nous dit que « seulement quatre propriétaires sur dix (38,8 %) comptant vendre ou céder un jour leur entreprise ont un plan de relève (formel ou non), davantage chez les entreprises familiales (45,7 %) ».

Un grand défi

Pour une grande majorité (90 %) des propriétaires de PME, le facteur le plus important dans le transfert de l’entreprise est la protection des employés, suivie par l’obtention du meilleur prix possible (84 %) et la recherche du bon acheteur (84 %) pour assurer la continuité des activités.

Ainsi, le plus grand défi à la planification de la relève pour la moitié des chefs de PME (54 %) est la recherche d’un acheteur ou d’un successeur adéquat. Près de la moitié (43 %) ont de la difficulté à évaluer la valeur de leur entreprise et plus du tiers (39 %) disent que l’entreprise dépend trop du propriétaire dans ses activités quotidiennes, poursuit la FCEI.

Car le contexte dans lequel cette transition prend racine peut être austère. Après une stabilité de deux ans, le taux de propriétaires (incluant les travailleurs autonomes) a connu une nouvelle baisse en 2022, de 0,3 point de pourcentage, pour s’établir à 5,3 % et poursuivre ainsi une tendance baissière amorcée en 2015, souligne l’étude publiée par Réseau Mentorat. De plus, avec la fin du soutien gouvernemental et la détérioration de la conjoncture économique, on observe une première hausse du taux global de fermetures d’entreprises depuis 2019. Ce taux était de 11,1 % en 2022 et de 10 % en 2021. Pour ce qui est du taux d’échec du processus de repreneuriat, « plus d’une personne sur cinq (22,8 %) a déjà échoué dans une tentative de reprise d’entreprise (8,7 % plus d’une fois). Près d’un propriétaire sur cinq (18,3 %) a déjà échoué dans une tentative de vente/cessation de son entreprise (6 % plus d’une fois) ».

L’impact de la pandémie

Une majorité de propriétaires comptent sur la vente de leur entreprise pour financer leur retraite. Or tous ces plans de délestage ne sont pas sans subir l’influence de la COVID-19 et de ses variants. « Compte tenu des lourdes conséquences de la pandémie, il n’est pas surprenant que les entrepreneurs soient nombreux à avoir changé leur plan de départ. C’est le cas de près de quatre propriétaires sur dix : 17 % l’ont devancé, tandis que 22 % l’ont repoussé d’au moins un an, souvent en raison de lourdes dettes pandémiques ou d’une baisse importante de la valeur de leur entreprise durant la pandémie », note la FCEI.

On peut y ajouter la conjoncture économique dominée par les pressions inflationnistes sur les coûts, la hausse des taux d’intérêt, une récession appréhendée et une pénurie de main-d’oeuvre.

Selon un autre rapport de recherche de la FCEI, en moyenne, les propriétaires de PME travaillent 54 heures par semaine, soit l’équivalent d’une semaine de travail de huit jours. Les propriétaires ayant déclaré faire plus d’heures en raison des pénuries de main-d’oeuvre travaillent encore plus, soit environ 59 heures par semaine, dont 20 pour compenser le manque de personnel. « Autrement dit, 34 % de leurs heures travaillées servent à pallier le manque d’employés », résume la FCEI.

Dans l’ensemble, on rappelle les piètres conditions d’affaires depuis plusieurs années et les coûts d’exploitation qui ne cessent d’augmenter. Dans le baromètre des affaires de février de la FCEI, un propriétaire d’entreprise sur deux indiquait avoir des revenus sous la normale pour cette période de l’année, le tiers disent réaliser des bénéfices normaux et 58 % ont toujours un solde à rembourser sur la dette liée à la pandémie.

« La part de PME éprouvant des difficultés reste au-dessus de la moyenne historique pour plusieurs types de coûts : énergie (69 %), salaires (63 %), assurances (59 %) et intrants (45 %). De plus, les coûts d’emprunt, qui ont atteint un niveau record, constituent maintenant un défi pour 38 % des PME. Cette part a doublé depuis 12 mois. »

Dans l’immobilier, on parlerait d’un marché défavorable aux vendeurs.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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