Pertinence du G7

Avec cette 49e édition qui vient de s’achever à Hiroshima, le G7, le groupe des sept pays « les plus industrialisés » (sic), accuse le poids des ans. Sa définition ne reflète même plus la réalité… celle d’une autre époque géopolitique, lorsque la suprématie occidentale — alliée au dynamisme du Japon — paraissait incontestable.

Les « communiqués finaux » de ses sommets ont enflé au fil des ans : 40 pages serrées et 66 articles pour celui du week-end. Ils sont bavards et tentent de toucher à tout, ce qui peut donner un alignement de poncifs de « gérants d’estrade ».

On y retrouve les termes et sigles à la mode, censés exprimer le nouveau monde, comme « LGBTQIA+ » et même « intersectionnel » : peut-être la griffe du Canada sur cette déclaration 2023 ?

Depuis dix ou quinze bonnes années, devant la chute présumée de l’Occident, il était de bon ton de s’interroger sur la pertinence, au XXIe siècle, du G7 et de gloser sur son inutilité de « club de vieux », en déclin devant les forces ascendantes de la Chine et du « Sud global ».

Pourtant, cette année, on a l’impression qu’il s’est vraiment passé quelque chose au G7. Le sentiment d’inutilité ou d’insignifiance n’est plus là. On s’est renouvelé ; on paraît en prise sur les événements ; on s’est même élargi en invitant justement ce « Sud global » à la table.

Au-delà de l’habituel communiqué « touche-à-tout », deux urgences ont été sérieusement traitées en fin de semaine à Hiroshima : l’Ukraine et le défi chinois.

Le sommet de 2023 s’est voulu une démonstration de détermination et d’unité du monde occidental — avec une forte touche orientale (allié japonais, adversaire chinois) doublée d’une amorce de dialogue global.

La présence d’acteurs centraux — le chef de guerre et diplomate Zelensky, en tournée mondiale, mais aussi des poids lourds comme les leaders indien et brésilien — est la preuve que l’on prend de nouveau au sérieux ce forum occidental.

Ajoutons-y la réaction furieuse de la Chine qui, a contrario, prouve l’importance du G7. Et ce, malgré le caractère modéré du vocabulaire utilisé face à Pékin : on parle de « coopération » avec la Chine et on récuse explicitement tout « découplage économique » (ce qui est pourtant une vraie tentation, notamment à Washington).

Mais il est vrai que le communiqué parle aussi de défense du statu quo à Taïwan et appelle la Chine à faire pression sur « l’ami russe » pour qu’il se retire d’Ukraine : choses apparemment intolérables, vues de Pékin.

Par un paradoxe troublant, la tragédie ukrainienne a redonné vie à des organisations qui n’allaient pas très bien et se cherchaient une utilité dans la vie, une orientation ou une cause pour se relancer.

C’est vrai pour l’Union européenne, c’est vrai pour l’OTAN… en état de « mort cérébrale » selon Emmanuel Macron en novembre 2019. L’OTAN à laquelle, par un colossal effet pervers, Vladimir Poutine a lui-même donné un coup de pouce extraordinaire.

C’est vrai aussi d’un G7 à la pertinence retrouvée, qui joue bien ses billes. Avec, par exemple, des invitations ciblées qui sont une tentative — sur la question spécifique de l’Ukraine — de rapprocher des positions occidentales certains États plutôt réservés sur cette guerre : l’Inde, le Brésil.

Sur ce point précis, et malgré une tournée mondiale certainement utile de son point de vue (avec des appuis renouvelés à sa cause en Europe, au G7… et une possible percée du côté de l’Arabie saoudite), il n’est pas sûr que Volodymyr Zelensky ait pu infléchir le positionnement des dirigeants indien et brésilien.

Au moins, Narendra Modi a accepté une « bilatérale » avec le fringant Ukrainien. Mais Lula et Zelensky ne se sont même pas vus pendant les 48 heures où ils se sont frôlés à Hiroshima. La presse brésilienne se demande encore si c’est Lula qui a snobé Zelensky, ou le contraire…

Tout cela, dans un lieu de mémoire chargé de symbolisme universel. Un lieu qui est apparu comme un avertissement contre les menaces nucléaires répétées par le Kremlin… menaces qu’on entend beaucoup moins depuis février dernier. Le « grand frère » chinois aurait-il demandé à Vladimir de se calmer ?

François Brousseau est chroniqueur d’affaires internationales à Ici Radio-Canada. francobrousso@hotmail.com

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