Demain, c’est aujourd’hui

Si vous pensiez que ChatGPT annonçait une petite révolution dans le quotidien de millions de personnes, c’est que vous n’avez encore rien vu. Parce que ça, c’était avant l’introduction par son créateur OpenAI des services tiers qui se branchent directement dans son IA.

OpenAI les appelle ses « plugins ». Le terme français est « plugiciel ». Il s’agit d’extensions logicielles qui permettent à ChatGPT d’ajouter des cordes à son arc. Une de ces extensions a été créée par OpenAI elle-même et prend la forme d’un navigateur Web qui permet à son IA générative d’aller sur Internet chercher l’information qui jusqu’ici manquait à sa banque d’informations.

Depuis son lancement l’automne dernier, ChatGPT pigeait dans des données récoltées un peu partout sur Internet et qui dataient d’avant l’automne 2021. Ce nouveau navigateur Web comble un trou béant : celui de l’actualité plus récente. Les utilisateurs qui paient pour accéder à ChatGPT Plus et qui peuvent ajouter ce navigateur à leur arsenal de plugiciels auront désormais une réponse conséquente lorsqu’ils l’interrogeront sur un événement survenu les jours précédents.

Par exemple, ChatGPT peut dresser une liste des plus récents gagnants de la cérémonie des Oscars, qui célèbre les meilleurs films et acteurs hollywoodiens. Elle pourra aller chercher les résultats sportifs, aussi, pourquoi pas.

 

Ce qu’elle ne fait toujours pas, c’est jouer aux devins ou aux gérants d’estrade. Personne ne sait si le Canadien de Montréal fera les séries l’an prochain, ni si les Coyotes de l’Arizona s’appelleront bientôt les Coyotes de Houston, même pas l’IA la plus sophistiquée actuellement accessible sur Internet !

Bye bye Google ?

Avec les bons plugiciels, ChatGPT va plus loin encore. Un exemple présenté par OpenAI de ce que pourra dorénavant faire son IA porte sur l’alimentation. Cet exemple nécessite trois plugiciels distincts. Le premier donne accès à l’application de réservation dans les restaurants d’OpenTable. Le second est fourni par le moteur de recherche Wolfram Alpha. Le troisième fait le pont avec le service de livraison d’épicerie Instacart.

Dans l’exemple fourni par OpenAI, l’utilisateur demande en une seule phrase à ChatGPT de lui trouver un restaurant de quartier branché pour le repas du samedi soir, puis de lui produire une recette pour le repas du dimanche soir, et de tenir compte de l’apport en calories de toute cette nourriture.

L’IA peut trouver un restaurant et effectuer la réservation à l’aide d’OpenTable. Elle peut ensuite trouver une recette intéressante et rapide à faire pour le lendemain. Elle décompose ensuite cette recette et crée une liste d’ingrédients pour lesquels elle passe la commande à l’épicerie la plus près trouvée par Instacart, qui livrera ensuite les bons aliments directement à la maison.

Ce modèle pousse beaucoup plus loin la relation qu’auront les utilisateurs de ChatGPT avec le réseau Internet. Soudain, le concept d’assistant virtuel numérique prend une forme beaucoup plus concrète que les assistants existant sur les ordinateurs personnels et les téléphones intelligents actuellement sur le marché.

Ce modèle évacue aussi toute la recherche manuelle qui serait normalement nécessaire pour répondre à une question somme toute assez simple : comment bien manger en fin de semaine ?

Une question comme la posent à Google toutes les semaines des millions d’internautes. Google doit d’ailleurs soudainement se demander quels sont les ingrédients de la soupe chaude qu’il sent monter autour de son moteur de recherche…

Nouvelle dimension pour les applis

Il n’a fallu que quelques semaines à ChatGPT pour atteindre le seuil du milliard de visites uniques sur son site Web. Elle a fracassé tous les records de rapidité d’adoption par une application Web, mobile, ou autre.

En invitant les créateurs d’applications tierces à créer une extension pour son IA, OpenAI veut prolonger son succès. Pour différentes raisons. La première est évidente : parce que ses revenus sont largement inférieurs à ses dépenses.

La seconde : OpenAI n’est pas le seul joueur dans ce secteur technologique relativement nouveau des dialogueurs grand public évolués. L’entreprise californienne peut compter sur l’appui de Microsoft, mais Google, Meta et d’autres encore jalousent cette popularité soudaine. Ils voient aussi la croissance potentielle de leurs propres revenus que représente ce type d’IA.

Difficile de prédire comment tout cela se terminera. Mais s’il fallait que le modèle proposé par OpenAI fasse école, la prochaine grande occasion d’affaires dans le marché des applications numériques prendra la forme de plugiciels à brancher dans toutes ces IA génératives.

L’urgence d’agir

OpenAI est sous l’oeil des législateurs en Europe et au Canada. Tous deux veulent rendre les créateurs de ces IA responsables des risques créés par leur technologie, sans les empêcher d’innover.

Apparemment, le point d’équilibre proposé par les gouvernements n’est pas au goût de ces créateurs. La semaine dernière, Google a annoncé l’expansion de sa propre IA générative, appelée Bard, dans 180 pays, excluant le Canada et les membres de l’Union européenne.

Partout dans sa documentation, OpenAI dit vouloir minimiser les risques dans l’échange de données entre ChatGPT et ses plugiciels. Mais il est hors de question de s’arrêter en attendant que les gouvernements canadien et européen fixent les règles du jeu…

Parce que demain, pour les OpenAI de ce monde, c’est aujourd’hui que ça se joue.

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