Il restera ce qu’il restera

Le véritable message derrière cette expression se veut : « Je n’ai rien reçu de mes parents, mes enfants sauront bien se débrouiller. » Avec ouverture et bienveillance, j’accueille régulièrement cette affirmation on ne peut plus québécoise. De par sa formulation et son ton bien senti, d’abord, mais aussi parce que ce « il restera ce qu’il restera » illustre bien l’inexpérience générationnelle de notre culture successorale.

Paradoxalement, j’entends également souvent d’autres clients exprimer leur frustration devant la facture d’impôts à payer lors de la liquidation de la succession de leur parent récemment décédé. Par manque de connaissances, ces personnes croient que leurs parents n’auraient pas dû accumuler autant de REER (régime enregistré d’épargne-retraite) et les liquider de leur vivant afin de ne pas leur laisser cette facture inattendue. En réalité, leur erreur est tout autre. Il est vrai que le REER, un compte enregistré permettant de reporter l’imposition, ne doit être décaissé qu’en cas de besoin. La facture aurait toutefois pu et dû être estimée à l’avance ! En l’ayant planifiée, certains choix et stratégies auraient pu être modifiés afin de prévoir les liquidités en conséquence et ainsi éviter des tracas à la succession.

La planification successorale permet d’estimer les besoins en liquidités successorales selon différents scénarios de décaissement des actifs, et à différents âges de décès hypothétiques. Dans le cas d’un couple, le premier décès est généralement sans impact fiscal grâce au roulement fiscal des biens au conjoint. Lorsque le deuxième parent décède, c’est différent : impôts à payer selon la disposition des différents actifs le jour du décès, remboursement des dettes, frais d’homologation, derniers frais funéraires.

S’organiser, sans se priver

Le fait de recourir à de tels calculs ou prévisions ne signifie en rien de devoir « se priver » pour en laisser plus à ses enfants ou à ses petits-enfants. Effectivement, la réalité est que les actifs seront probablement insuffisants pour financer la retraite de nombreuses personnes ou les protéger adéquatement contre les risques de longévité ou d’inflation. S’il est alors inutile de discuter de stratégies successorales impliquant de l’assurance vie permanente, l’estimation des liquidités successorales permettra au moins d’explorer des pistes de protection temporaire : le courtage de préarrangements funéraires, ou encore le recours au fonds distinct dans leur portefeuille de placement, permettant la désignation de bénéficiaires.

Pour d’autres ménages, le bilan présente une valeur nette élevée plus importante avec des biens immobiliers autres que la résidence secondaire, des comptes de placements non enregistrés, des actions dans une ou des sociétés, etc. Bien qu’il soit évident que le bilan successoral dans la majorité des cas sera positif, il faut tout de même prévoir que la succession puisse avoir à régler les impôts exigibles à la suite de la disposition de tous ces biens, à leur juste valeur marchande, le jour du décès…

La planification successorale devrait être réalisée à partir de votre coût de vie réel et projeté. Ainsi, les calculs, bien que basés sur de nombreuses hypothèses, vous permettront de déterminer des stratégies personnalisées n’ayant pas pour conséquence d’obliger une génération à se priver au profit des prochaines.

Optimiser par l’assurance vie

Et s’il était possible d’en laisser plus et de faciliter la vie de la succession tout en atteignant vos propres objectifs ? L’assurance vie permanente, comme outil de diversification des actifs, doit être envisagée à cette fin lorsque les placements non enregistrés ou détenus dans une société sont importants. Il s’agit d’un outil potentiellement très efficace dans les situations présentant un bilan important, mais encore souvent méconnu du grand public puisqu’il requiert les conseils d’experts en la matière. La création de valeur de rachat dans ces contrats permet aussi potentiellement de les utiliser de son vivant pour financer des projets d’entreprises ou des dépenses de retraite.

Le recours à l’assurance vie permet aussi de vous doter d’un plan successoral plus équitable dans le cas des familles recomposées, dans lesquelles les volontés testamentaires donnent souvent lieu, au décès, à des frais d’impôts plus importants, conséquence de legs particuliers bien intentionnés, mais mal réfléchis. Par exemple, l’assurance vie permettrait de léguer les biens au nouveau conjoint afin de bénéficier du roulement fiscal, tout en offrant du capital non imposable aux enfants devenus majeurs qui auraient autrement été imposés. Les dons planifiés demeurent une avenue à explorer également, que ce soit par le don testamentaire d’actions, d’oeuvres d’art ou de polices d’assurance vie.

Un lecteur me questionnait récemment sur les biens qui sont imposables au décès. En fait, retenez que la majorité d’entre eux le sont, sauf pour ce qui concerne le roulement fiscal au conjoint. Le bilan successoral doit être réalisé avec un professionnel avant la signature ou la révision du testament prévoyant les conséquences des différents legs.

Planificatrice financière, Sandy Lachapelle est présidente du cabinet indépendant Lachapelle finances intelligentes.

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