Protéger les enfants et l’éducation

L’actualité en éducation est pour le moins troublante.

Ici — qui l’eût cru il y a quelques années à peine ? —, on travaille à un projet de loi (19) pour encadrer le travail des enfants. On est peut-être d’abord surpris, mais on comprend vite pourquoi on le fait. C’est que le travail des enfants explose, littéralement, et avec lui les lésions professionnelles et les immenses risques de décrochage scolaire.

Là, quelques cas de violence verbale et de comportements totalement inappropriés de professeurs à l’égard de leurs élèves ont remis à l’ordre du jour la création d’un ordre professionnel pour les enseignants.

Plus loin, on découvre que nos enseignants, dont on savait déjà qu’ils abandonnent le métier dans des proportions alarmantes, sont à bout de souffle et que le taux d’absentéisme pour cause de maladie, et notamment de mal-être psychologique, atteint des sommets. Il en va de même pour le personnel de soutien dans nos écoles.

Désolant spectacle s’il en est.

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Ce texte est publié via notre section Perspectives.

Mais prenons chacun de ces cas en ayant en tête une finalité qui devrait faire consensus : celle de protéger les enfants et de faire en sorte que ce que nous voulons leur transmettre par l’éducation soit préservé et accessible à tous et à toutes.

Au secours des enfants… et de l’éducation

Dans le premier cas, les impératifs économiques et les demandes du marché du travail prennent une place démesurée dans les solutions qui se dessinent, lesquelles ne sont décidément pas à la hauteur de ce que nous devons collectivement aux jeunes générations.

En particulier, il y a un monde entre des jeunes qui travaillent un peu et par plaisir et des jeunes que la condition financière de leur famille contraint à fournir un revenu d’appoint. Ne pas agir en prenant en compte cette distinction, c’est ne pas protéger les enfants. Et c’est aussi ne pas protéger l’éducation et les biens irréductibles à l’économie qu’elle permet aux individus et à la collectivité d’acquérir, de chérir et de préserver. Notons à ce propos, comme le souligne avec raison Égide Royer, qu’il est « totalement incompréhensible que l’éducation ne soit pas partie prenante à ce projet de loi. Ça n’a pas de bon sens ». En effet.

Pour le moment, on a une solution qui n’est pas sans qualités, mais qui ne va pas au fond du problème parce qu’elle donne une place démesurée à l’économie et n’accorde pas à l’éducation celle qui lui revient.

La proposition de créer un ordre professionnel revient périodiquement. J’ai toujours eu des réserves à ce sujet, mais de bons arguments pourraient me faire changer d’idée. Notamment celui que cet ordre pourrait mieux protéger les enfants.

Cela dit, je n’arrive pas à comprendre comment il se fait, dans les cas que nous rapporte l’actualité, que l’on n’ait pas très vite agi contre les enseignants fautifs. Leurs comportements inappropriés étaient certainement connus, leurs cris, entendus. Où étaient les collègues ? Les directions d’école ? Un ordre professionnel est-il vraiment ce qu’il faut pour régler de tels cas ? Pour le moment, en tout cas, le ministère ne souhaite pas aller dans cette voie.

Cet ordre professionnel aiderait-il à résoudre les problèmes de désertion et d’absentéisme qui se multiplient ? Il pourrait sans douter aider, mais cette fois encore, on ne va pas au fond du problème.

Pour ce faire, il faudrait savoir exactement combien d’enseignants quittent leur emploi — provisoirement, pour des raisons de maladie ou définitivement — et pourquoi ils le font.

Dans ce travail, encore une fois, il faudrait aller au fond des choses, et pour cela, avec d’autres mesures sans doute, se pencher sur la formation reçue à l’université par les futurs maîtres.

Est-il vrai, ou pas, comme certains le soutiennent depuis des années, qu’on leur enseigne parfois des faussetés, des approches ou des théories peu ou pas fondées sur de la recherche crédible ?

Et que, d’un autre côté, des techniques, comme celles pour la gestion de la classe, ou des méthodes pédagogiques qui sont, elles, solidement appuyées par de la recherche crédible, sont trop souvent méconnues, voire inconnues, des enseignants ?

Quel impact tout cela peut-il avoir sur les difficultés rencontrées dans leur pratique, lesquelles auraient pu jouer un rôle dans leur décision de quitter l’enseignement ?

Si on était sérieux et qu’on désirait aller au fond des choses, si on voulait vraiment protéger les enfants, protéger ce que l’éducation a de plus précieux et valoriser celles et ceux qui la donnent, on se mettrait au travail.

Il y a urgence.



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