Aimer ou redouter l’équinoxe fiscal
Tandis que la majorité des gens s’égayent au son des petits oiseaux et des débits d’eau qui coulent en rigoles à la fonte des neiges, je lutte très fort pour ne pas provoquer mes interlocuteurs en affirmant que je n’aime pas le printemps. Je préfère de loin les tempêtes de neige et le ski de fond qu’elles permettent aux pluies et à la fonte que j’associe inconsciemment aux traumatismes subis par quelques dégâts d’eau.
Au printemps, en plus de devoir supporter la vue des tapis à renettoyer constamment dans l’entrée, la torture s’étire pour certains jusqu’aux obligations entourant la préparation de la déclaration de revenus. Notre culture est définitivement colorée par notre climat et ses changements de saison ; nous sommes ainsi passés de la « saison des REER » à la « saison des impôts » dans le paysage médiatique.
Cette période d’équinoxe fiscal polarise tout autant les esprits. Il y a ceux qui doivent payer des impôts et les autres, qui s’attendent à un remboursement. C’est dire combien les particuliers n’abordent pas du tout leur préparation à la tombée du 30 avril avec le même état d’esprit !
Le remboursement d’impôts appliqué aux stratégies financières
Si vous faites partie des chanceux du deuxième groupe, voici quelques pistes pour utiliser de façon judicieuse ce remboursement. Le fait de vous doter d’un plan prédéterminé d’affectation de cette somme avant de la recevoir réduira vos chances de succomber à un excès d’enthousiasme devant une augmentation soudaine de vos liquidités disponibles. Non, un changement de mobilier de jardin ou l’achat d’un voyage improvisé ne constitue pas vraiment une affectation d’utilisation de capital valable, même si nous convenons tous que les endorphines générées par ces transactions battront sans équivoque celles faisant suite à un remboursement de votre marge de crédit, par exemple !
Soulignons ici deux conseils incontournables, sachant qu’un plan financier devrait toujours être réfléchi selon des facteurs personnalisés. D’abord, les parents devraient utiliser le remboursement d’impôts pour bonifier le régime enregistré d’épargne-études (REEE) de leurs enfants (ou pour en ouvrir un sans hésiter) afin de recevoir, de la part des deux ordres de gouvernement, les généreuses subventions s’y rattachant, qui peuvent atteindre jusqu’à 30 % des sommes investies.
Bien que les cotisations à des REEE soient en hausse au Canada depuis 2016, une certaine incompréhension du programme fait en sorte que certains parents s’abstiennent de cotiser, par crainte de devoir donner la totalité de leurs placements détenus dans ce régime à leurs futurs génies en herbe. Toutefois, il est tout à fait possible pour le souscripteur de limiter le soutien financier aux enfants aux prestations d’aide aux études retirées du régime et de reprendre les cotisations restantes pour les investir plus tard à titre personnel. Il est donc impossible, à mes yeux, de cotiser trop à ce généreux programme.
Si vous n’avez pas d’enfants à charge, le remboursement d’impôts devrait être consacré au remboursement de vos emprunts dont les intérêts sont non déductibles, soit les dettes de consommation, comme les cartes et marges de crédit personnelles. En l’absence de celles-ci, on fera de nouvelles cotisations REER en prévision de la retraite ou, en nouveauté dans les prochaines semaines, on ouvrira un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété. En effet, si vous n’êtes pas propriétaire d’une habitation admissible, vous pourriez cotiser à ce nouveau régime à partir de votre remboursement grâce à vos cotisations REER de 2022 et, éventuellement, profiter à la fois de ces deux régimes pour consolider votre mise de fonds éventuelle pour l’acquisition de votre résidence.
Éviter les mauvaises surprises l’an prochain
Les nouveaux travailleurs autonomes font souvent partie des contribuables qui s’attendent à une facture fiscale au 30 avril, tout comme les nouveaux propriétaires d’entreprises constitués en société s’étant versé des avances dans les deux premiers exercices d’exploitation. S’ils bénéficient du sursis de verser des acomptes provisionnels pour la première année de leur entreprise, la surprise est souvent inversement proportionnelle à leur taux de réussite en tant que nouvel entrepreneur.
L’utilisation d’un compte bancaire distinct de celui réservé aux besoins personnels pour encadrer la pratique d’affaires des travailleurs autonomes est à envisager afin de faciliter la constitution et le maintien d’un fonds de roulement prévoyant les acomptes provisionnels et les autres dépenses variables. La gestion des liquidités est un défi pour tous les entrepreneurs dont les revenus ne sont pas toujours aussi stables que ceux des salariés.
Pour les salariés qui changent d’emploi en cours d’année 2023, assurez-vous également que les prélèvements à la source soient ajustés afin de couvrir le revenu complet estimé à la fin de l’année, ou encore contribuez davantage à votre REER pour annuler l’impôt supplémentaire à payer si c’est le cas. La contribution à un REER de façon périodique et systématique, en plus de faciliter l’épargne et de réduire votre exposition à la volatilité des marchés, permet d’éviter les mauvaises surprises printanières.
Dans tous les cas, un facteur clé pour apprivoiser la période de préparation de votre déclaration de revenus consiste à s’organiser. L’idéal est de faire une comptabilité personnelle mensuelle ainsi que de prendre soin de toujours classer et conserver les documents importants. Qu’on l’aime ou pas, la saison des impôts reviendra chaque année… en même temps que la saison de la boue.
Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.