La crypto au cœur des alertes

Les cryptoactifs occupent encore cette année le centre des systèmes d’alerte des autorités de réglementation en valeurs mobilières. Il faut dire que 2022 a été une année plutôt riche en cryptodrames, avec les réseaux sociaux en parfait amplificateur.

Pour 2022, il a déjà été écrit que la pandémie, avec ses taux d’intérêt ramenés au plancher et l’excédent d’épargne qu’elle a généré, a stimulé l’arrivée d’une nouvelle génération d’investisseurs et créé un terreau fertile à une spéculation attisant l’attrait pour les cryptoactifs et embrasant l’univers des actions « mèmes », ces actions devenues virales.

L’engouement pour l’acquisition spontanée d’actions moussées sur les réseaux sociaux à des fins de mimétisme, de solidarité ou encore d’activisme actionnarial est venu élargir le rayon d’action. « En raison de l’immensité du Web et de l’utilisation des réseaux sociaux, notamment des applications de messagerie instantanée qui permettent la mise en place de groupes privés d’échanges et de discussion, il est souvent impossible pour les régulateurs de pouvoir intervenir de façon préventive », avait déploré l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Il fallait ajouter que cet effet collatéral de la pandémie a eu pour conséquence d’accélérer un changement fondamental, déjà en cours, sous le coup des innovations technologiques et de la robotisation du marché du négoce. Il a été renforcé par un abaissement draconien, voire l’élimination, des frais de transaction, généralement sans accès à des conseillers ou à des planificateurs financiers non robotisés.

Le tout s’est cristallisé l’an dernier. En corollaire, le nombre d’appels de plaintes relatives aux cryptoactifs reçus par l’AMF l’an dernier s’est élevé à 474, près de 75 % de plus qu’en 2021 et 11,5 fois plus que les 41 plaintes de 2020, selon les données recueillies par La Presse+. Sur son site, l’Autorité donne une liste de sites et de plateformes aux activités à risque potentiellement élevé ou frappés d’une mise en garde s’étendant sur des pages et des pages. La capitalisation boursière de l’univers crypto a beau avoir été réduite des deux tiers l’an dernier, pour se situer aujourd’hui autour des 1000 milliards $US, on dénombre sur CoinMarketCap quelque 22 700 cryptoactifs et plus de 550 plateformes négociant ces temps-ci des volumes quotidiens d’échange de plus de 50 milliards $US.

Mois de la prévention

En ce mois de mars de la prévention de la fraude, l’AMF revient sur le poids des réseaux sociaux, particulièrement ressenti dans l’univers crypto. « Lorsqu’ils souhaitent investir de manière autonome, les consommateurs privilégient de plus en plus les médias sociaux comme source d’information, ou trop souvent de désinformation, sur les produits et services financiers », souligne dans un communiqué Louis Morisset, p.-d.g. de l’Autorité. « Leurs décisions financières sont ainsi de plus en plus tributaires de “finfluenceurs”, dont l’objectif n’est pas, bien souvent, d’informer adéquatement leur audience, mais plutôt de générer le plus grand nombre de vues ou de clics, ou de profiter financièrement d’un engouement concernant des titres ou des cryptoactifs dans lesquels ils ont parfois eux-mêmes investi. »

Prises de contact sous le coup de publicité sur les médias sociaux, création d’une relation de confiance, rendements élevés que l’on fait miroiter, syndrome FOMO (pour Fear of missing out), cette peur de manquer quelque chose étant particulièrement exploitée sur les réseaux… Une des grandes portes d’entrée pour la fraude se situe au niveau des émissions initiales de cryptoactifs ou de jetons, connues sous l’acronyme anglais d’ICO. « Les ICO évoluent dans un environnement propice à la manipulation et à la fraude. La création de jetons est facilement accessible d’un point de vue technologique, et la mise en marché de ceux-ci sur certaines plateformes d’échange décentralisées se fait tout aussi facilement, sans aucune intervention ou autorisation d’une tierce partie. […] Il est très facile de trouver sur Internet des sites Web qui expliquent comment créer des jetons et comment les rendre disponibles pour négociation sur la chaîne de blocs en quelques minutes », rappelle l’AMF. D’autant que nombre de ces jetons peuvent être achetés ou négociés sur des plateformes décentralisées et robotisées.

Les jeunes plus exposés

Dans une perspective plus générale, et dans cet univers plus vaste du numérique, l’Étude annuelle sur la fraude publiée par les Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada) a souligné que malgré de nombreux signalements de fraudeurs ciblant spécifiquement un groupe démographique âgé, trois personnes âgées de 18 à 34 ans sur cinq (63 %) déclarent avoir été victimes d’au moins un type de fraude financière au cours de sa vie — un nombre qui tombe à 39 % pour les 35 à 54 ans et à 31 % pour les 55 ans et plus.

« Le recours aux services en ligne et aux appareils personnels dans la vie de tous les jours devient monnaie courante, surtout chez les jeunes […]. Plus on va sur le Web, plus on prête le flanc aux arnaques. Une grande prudence est donc de mise », peut-on lire.

Dans cette étude, la fraude par carte de crédit reste le principal type de fraude financière pour 21 % des utilisateurs de cartes de crédit, suivie par la fraude par courriels ou par hameçonnage (8 %) et la fraude par carte de débit (8 % des utilisateurs de cartes de débit).

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