Briser le silence

Le nouveau sondage Léger-Le Devoir tombe à pic pour Paul St-Pierre Plamondon (PSPP), qui pourra y trouver des arguments pour convaincre ses interlocuteurs européens que le projet indépendantiste québécois ne relève pas du folklore. Que ce soit à Édimbourg ou à Paris, on peut facilement imaginer qu’on se soit désintéressé du sujet au cours du dernier quart de siècle.

Certes, ce n’est pas demain la veille qu’un gouvernement souverainiste sera en mesure de tenir un référendum, mais il y a des années que Léger n’a pas constaté un appui aussi élevé (38 %) au oui. Il y a 10 ans, alors que le Parti québécois faisait un dernier séjour au pouvoir, il était de 37 %.

Mieux encore, près de la moitié (48 %) des francophones voterait pour la souveraineté, alors qu’on leur répète depuis des années qu’il s’agit d’un projet ruineux et rétrograde, qui aurait au surplus le tort d’être nourri par une volonté d’exclusion très malsaine.

M. St-Pierre Plamondon peut légitimement revendiquer sa part de mérite dans cette relative renaissance. Des cinq chefs de parti, c’est lui qui obtient la meilleure note quand on pondère l’opinion que les électeurs ont de lui. Alors qu’on a longtemps reproché aux chefs du PQ de balayer la souveraineté sous le tapis, ce n’est certainement pas son cas.

La mauvaise nouvelle — et elle a de quoi inquiéter — est qu’elle s’appuie principalement sur les 55 ans et plus (45 %) et attire nettement moins les 18-34 ans (31 %). À une époque plus glorieuse, c’était l’inverse. Si les stratèges souverainistes comptaient jadis sur le passage du temps pour atteindre leur objectif, trouver un moyen de séduire la jeune génération devient une nécessité existentielle.

C’est aussi le problème du PQ. Si le Québec francophone est plus que jamais un désert pour le Parti libéral du Québec, qui n’y recueille plus que 4 % des intentions de vote, libéraux et péquistes se retrouvent ex aequo à 14 % chez les 18-34 ans. Plus que jamais, c’est à Québec solidaire que ces derniers s’identifient le plus.

• • • • •

Les semaines passablement difficiles que le gouvernement Legault a traversées n’ont pratiquement pas laissé de traces. Même si, de l’aveu même du premier ministre, les résultats des discussions sur le Transfert canadien en matière de santé (TCS) ont été décevants, les Québécois en sont relativement satisfaits (48 %).

De toute évidence, ils n’ont pas envie de déterrer la hache de guerre avec Ottawa. Il est vrai que M. Legault ne manque aucune occasion de répéter que, tout compte fait, le fédéralisme demeure une bonne affaire, malgré d’inévitables frustrations.

Dans une lettre qu’il lui a envoyée en début de semaine, PSPP lui a demandé de mettre sur pied une Commission spéciale sur l’avenir du Québec, sur le modèle de la commission Bélanger-Campeau, afin de se donner « un réel rapport de force » dans ses négociations avec le fédéral.

L’aider à arracher des concessions à Ottawa est sans doute la dernière chose que souhaite le chef du PQ. Son objectif est simplement de briser le silence qui entoure la souveraineté en reprenant la vieille recette des saucisses Hygrade, que plus de gens mangeaient parce qu’elles étaient plus fraîches et inversement.

• • • • •

Même s’il se présente maintenant comme un défenseur de l’unité canadienne, M. Legault n’est pas allergique à la souveraineté, comme pouvait l’être Jean Charest ou Philippe Couillard. Mais simplement accepter de reconnaître qu’elle constitue une option possible raviverait immédiatement la méfiance de ceux qui l’ont longtemps soupçonné de ne pas avoir renoncé à son idéal d’antan.

Créer la commission que réclame le chef péquiste aurait pour effet de ressusciter la polarisation à laquelle il a précisément réussi à échapper en créant la Coalition avenir Québec. Tout comme les électeurs de QS, ceux de la CAQ sont profondément divisés sur l’avenir politique du Québec. La CAQ ne peut survivre que si la question n’est pas posée.

L’ancien ministre libéral Benoît Pelletier voit dans une telle commission le moyen de redonner aux Québécois « le goût de se battre pour des idées, notamment des idées qui vont dans le sens de la défense des intérêts du Québec à l’intérieur du Canada ».

En réalité, M. Legault sait très bien que les demandes formulées dans son « Nouveau projet pour les nationalistes du Québec » ne seront jamais satisfaites, mais il a fait le pari que suffisamment d’électeurs préfèrent jouer à l’autruche.

En revanche, il croit sans doute sincèrement qu’il est malgré tout possible d’enrichir le Québec dans le cadre fédéral actuel, notamment en misant sur son potentiel énergétique, quitte à reprendre plus tard la discussion sur son avenir politique.

Il faudra beaucoup de patience et de tact pour surmonter l’aversion que le Québec inspire aux Terre-Neuviens à cause du contrat de Churchill Falls. La dernière chose qu’ils souhaiteraient serait de lier leur sort à une bande de séparatistes qui n’attendent que d’être suffisamment riches pour filer à l’anglaise.

À voir en vidéo