Une baisse d’impôt est possible, en partie
La promesse électorale de la Coalition avenir Québec d’une baisse d’impôt ne fait pas l’unanimité. Les uns évoquent le contexte inflationniste actuel, les autres pointent en direction du déficit budgétaire. Entre les deux se déploie la thèse d’une injection accrue visant un financement adéquat des services publics, avec plus d’attention accordée en santé et en éducation. Des choix publics sont à faire, mais du strict point de vue comptable, il y a de l’espace budgétaire. Du moins, en grande partie.
Lors de la dernière campagne électorale, un gouvernement caquiste promettait de réduire d’un point de pourcentage le taux des deux premiers paliers d’imposition, qui sont actuellement de 15 % et de 20 %. La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke (CFFP) chiffre à près de 1,9 milliard le coût de cette promesse pour l’exercice 2023-2024. Dans son estimation de novembre dernier, elle évoquait 7,4 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années.
Afin de ne pas compromettre l’équilibre budgétaire, dont le retour est prévu pour 2027-2028, le financement de cette baisse d’impôt viendrait d’une diminution des versements au Fonds des générations, prévus à 3,9 milliards en 2023-2024, pour un total cumulé de 21,8 milliards d’ici 2026-2027 selon les projections de Québec.
Dans son mémoire déposé auprès du ministère des Finances et rendu public mercredi, la Chaire arrive à la conclusion qu’un tel scénario repousserait de cinq ans l’atteinte de l’objectif d’un ratio dette nette au PIB équivalent au ratio actuel de l’ensemble des provinces excluant le Québec. « L’objectif serait donc atteint dans 15 ans au lieu de 10, soit au 31 mars 2038, avec un ratio de 29,2 %. » Ce qui est conforme à l’horizon de 10-15 ans retenu par le gouvernement.
Le gouvernement Legault a également promis d’abaisser ces mêmes paliers de 0,25 % par année à partir de 2027, pour un total de 2,5 % en 2032. Selon les estimations de la CFFP, l’ensemble des baisses d’impôt coûterait en 2032 un peu plus de 6,2 milliards. Dans ce cas-ci, la source du financement de cette réduction n’a pas été précisée. En supposant qu’elle viendrait également des versements au Fonds des générations, la Chaire calcule qu’il ne serait alors pas possible d’atteindre le ratio moyen de la dette nette au PIB des provinces (excluant le Québec) avant le 31 mars 2060. Dans un peu moins de 40 ans !
Il est également calculé que, de 2032 à 2039, le total des revenus consacrés au Fonds des générations ne serait plus suffisant pour financer les baisses d’impôt et qu’il faudrait alors puiser dans les sommes accumulées dans le Fonds, ce que la loi ne permet pas. « Par conséquent, avec les informations disponibles aujourd’hui, le gouvernement devra évaluer la pertinence des baisses d’impôt promises à partir de 2027 ou devra trouver une autre source de financement que la réduction des versements au Fonds des générations », poursuit le mémoire.
Le tout est à mettre dans le contexte que l’objectif actuel de réduction de la dette brute à 45 % du PIB est déjà atteint. Selon les chiffres du ministère des Finances, elle représentait 41,8 % du PIB au 31 mars 2022. Celui de la dette représentant les déficits cumulés, à 17 % du PIB, le sera en mars 2026. Reste la dette nette (déduction faite de l’actif financier du gouvernement), à quelque 38 % du PIB, contre un ratio de 29,4 % pour l’ensemble des provinces (excluant le Québec). « Le Québec était la troisième province avec le ratio le plus élevé », souligne les spécialistes de la Chaire.
Revenus gorgés d’inflation
Dans sa dernière mise à jour économique, Québec rappelait que l’inflation grossissait les revenus de l’État, le tout étant gonflé par un effet de récurrence. Le déficit budgétaire prévu en 2022-2023 était alors revu à la baisse, à 5,2 milliards contre celui de 6,5 milliards esquissé dans les prévisions du budget de mars 2022. Si l’on exclut les versements au Fonds des générations, les projections du ministère font tout de même ressortir un déficit au terme de l’exercice en cours, suivi de quatre exercices en surplus. Quant à l’impact de la hausse des taux d’intérêt, au 31 mars 2022, l’échéance moyenne de la dette du Québec s’établissait à
11 ans. Le ministère souligne que 86 % des emprunts réalisés en 2022-2023 avaient une échéance de dix ans ou plus. Le besoin de financement oscille autour de 30 milliards par année, en moyenne, sur l’horizon 2026-2027.
Québec ne parle pas de récession, mais s’attend à une croissance ralentie du PIB réel de 0,7 % cette année contre 3,1 % en 2022. Cette croissance attendue était de 2 % dans le Plan budgétaire de mars 2022. Dans le Rapport préélectoral sur les finances publiques déposé en août dernier, il était souligné que l’impact simulé d’une récession d’ampleur moyenne sur le cadre financier de cinq ans se traduirait par une baisse des revenus de l’ordre de 8,3 milliards, que compenserait toutefois la provision pour risque économique totalisant les 8 milliards d’ici 2026-2027.
Après une série de considérants et d’attendus que, « s’il faut réduire un impôt, c’est en effet l’impôt sur le revenu qui doit être privilégié. C’est non seulement l’impôt le plus utilisé au Québec […] mais c’est aussi un impôt qui est reconnu plus dommageable à la croissance économique », ajoute la CFFP.
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