Québec, vos villes suffoquent!

En cette période de paiement des taxes, parlons d’un sujet très populaire, la fiscalité municipale. Ce moment venu de payer sa part auprès de notre ville en retour de services que nous souhaitons à la hauteur de nos attentes. Cette année, les hausses sont plus élevées dans la plupart des municipalités. Pour cause, la forte inflation qui a touché directement leurs dépenses. L’augmentation des taux de taxation est très variable d’une ville à l’autre.

Les parlementaires québécois se sont récemment émus à propos des hausses particulièrement salées dans certaines municipalités. Bien que tous s’entendent sur le fait que cela a un impact négatif direct sur les propriétaires, il en va tout autrement sur la résolution de la source du problème. Pourtant, c’est un sujet récurrent. On le sait, les villes étouffent et elles n’ont plus de marge de manoeuvre pour maintenir des services de qualité. Que faire, sinon hausser les taxes ?

Beaucoup vous diront que les administrations locales ont d’autres outils fiscaux à leur disposition. C’est en partie vrai. Les autres moyens qu’un gouvernement de proximité détient pour hausser ses revenus sont, par exemple, la tarification des permis de construction et de rénovation, les tarifs de stationnements, les frais d’inscription aux activités de loisirs, le coût des permis de terrasses pour les restaurants et les bars, les frais chargés pour les certificats d’occupation commerciale, etc. Des frais tout aussi populaires que les hausses de taxes.

Il y a des avenues à explorer qui tardent à se concrétiser dans la plupart des villes québécoises. Si on appliquait un véritable concept d’écofiscalité, les villes pourraient alors augmenter leurs revenus et appliquer des règles d’équité environnementale eu égard au principe de pollueur payeur. Cet impôt municipal progressif aurait alors un double bénéfice : réduire la charge fiscale des propriétaires d’immeubles et lutter contre les activités délétères pour le climat et la biodiversité.

Néanmoins, cela n’est pas suffisant, car il s’agit de jouer avec les mêmes outils fiscaux. Aujourd’hui, les villes sont les autorités gouvernementales qui font face à la plus grande complexification des enjeux. Que l’on pense aux impacts sociaux de la crise sanitaire, à la crise du logement, à l’itinérance, à l’accueil des demandeurs d’asile, à la préservation de la biodiversité, à la pression des dérèglements climatiques sur les infrastructures, à la nécessité de développer du transport collectif, et bien plus encore. Ces gouvernements n’étouffent pas seulement à cause de leur source limitée de revenus. Ils suffoquent aussi parce que leurs charges et responsabilités s’accroissent plus que les autres. Les transferts de Québec ne suffisent plus à la tâche.

Pourquoi ne pas donner aux villes l’accès direct au programme fédéral d’infrastructures ? Actuellement, Toronto, Calgary et Victoria peuvent aller chercher de l’argent directement à Ottawa, mais pas les villes québécoises. Pourtant, cet accès direct aurait l’avantage de réduire la paperasse à Québec, de raccourcir les délais de traitement, de lancer les travaux plus rapidement et, donc, de rendre les villes plus autonomes. Et entre vous et moi, ce n’est pas ça qui va avoir un impact sur l’autonomie du Québec dans la fédération canadienne.

Appliquons cette même logique aux enjeux de logement ou encore à l’accès à des programmes environnementaux. D’autres vous diront qu’Ottawa n’a qu’à transférer l’argent à Québec. Je vous dirai que cela va tout simplement maintenir le statut de créature face à Québec et nuire à l’autonomie des villes et à leur capacité d’action.

Au fil des années, la prise en charge de nouvelles problématiques territoriales a eu pour effet de mettre plus de pression sur les finances des gouvernements de proximité. Résultat : chaque année, quand l’inflation tombe sur les épaules des gestionnaires municipaux, la seule solution demeure la hausse des taxes. Normal que les citoyens se sentent égorgés. On pourrait résumer la situation en disant que l’argent est à Ottawa, les pouvoirs, à Québec et les besoins, dans les villes.

Dans un tel contexte, il serait mal avisé, comme certains l’ont fait récemment, de revoir ou de contester l’autonomie des autorités locales en matière d’impôt foncier. Pour mieux répondre aux charges supplémentaires auxquelles ces gouvernements font face, on doit leur donner plus de marge de manoeuvre. D’autant que la pression sera de plus en plus grande à mesure que la crise climatique s’intensifiera.

On doit sortir de la rhétorique que les villes sont les créatures du Québec. Les gouvernements de proximité ont besoin de plus d’autonomie, pas de contrôles supplémentaires, car contrairement à l’adage populaire, du gras, il n’y en a plus à couper. Le problème en est un de revenus et non pas de dépenses. Il serait temps de changer la rengaine, car c’est la capacité des gouvernements locaux à faire face aux enjeux d’aujourd’hui et aux défis de demain qui sont en jeu, donc, notre qualité de vie à tous.
 

Directeur principal stratégie et innovation à Innovitech et chercheur, François William Croteau a été maire de Rosemont–La Petite-Patrie de 2009 à 2021.

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