Place aux salaires

Le mois dernier, en commandant une huitième hausse de son taux directeur depuis mars 2022, la Banque du Canada se disait préoccupée par les augmentations salariales. « La croissance des salaires demeure généralisée et semble se maintenir entre 4 % et 5 %. […] À moins que la croissance de la productivité ne devienne étonnamment forte, il ne sera pas possible d’atteindre la cible d’inflation de 2 % si la croissance des salaires se maintient dans cette fourchette », a-t-elle écrit.

Selon les prévisions publiées la semaine dernière par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, les employeurs du Québec prévoient octroyer des augmentations salariales moyennes de 4,4 % en 2023, contre 4 % en 2022. Pour l’ensemble du Canada, l’on parle de 4,1 % cette année. « Malgré le ralentissement de la croissance économique, la pénurie de main-d’œuvre perdure et continue manifestement de pousser les salaires à la hausse dans tous les secteurs d’activité économique », a précisé Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre.

Selon les données de Statistique Canada, le nombre de postes vacants s’est maintenu autour des 848 800 en décembre au Canada, à 194 500 au Québec. Le taux de postes vacants, qui correspond au nombre de postes vacants en proportion de la demande de main-d’œuvre totale, atteignait 4,8 % au Québec, soit le taux le plus élevé parmi les provinces. Ou encore, en décembre, la Colombie-Britannique et le Québec ont continué de compter moins de chômeurs que de postes vacants, avec un ratio chômeurs-postes vacants s’établissant à 0,9 dans les deux provinces, indique l’agence fédérale.

L’Ordre des conseillers en ressources humaines rappelle également que les prévisions de 2023 tiennent compte de l’effet sur la structure salariale des organisations de la hausse de 7 % du salaire minimum au Québec, qui entrera en vigueur le 1er mai.

Pour l’an dernier, Statistique Canada nous dit que, par rapport à 2021, la rémunération hebdomadaire moyenne a progressé de 3,4 % pour atteindre 1174 $ en décembre à l’échelle canadienne. La poussée a été plus forte au Québec, soit de 4,5 % pour atteindre 1130 $.

Et pour 2021, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) chiffre à 9 % le bond du revenu d’emploi médian des 25-64 ans dans l’ensemble du Québec, pour atteindre 49 788 $. Une hausse (qualifiée de sans précédent depuis que ces données sont compilées) qui fait suite à la faible augmentation survenue en 2020, année du déclenchement de la pandémie. « L’augmentation est supérieure à celle observée à l’échelle provinciale dans 48 municipalités régionales de comté [sur les 104 qu’abrite le Québec] et, dans 27 d’entre elles, la hausse a dépassé 10 % », ajoute l’ISQ.

Le tout est à mettre dans une perspective inflationniste. Au Québec, l’inflation mesurée par l’Indice des prix à la consommation (IPC) s’est établie à 3,8 % en 2021. La Banque du Canada indiquait, dans son Rapport sur la politique monétaire de janvier, que l’augmentation de l’IPC est passée de 4,7 % en rythme annuel au quatrième trimestre de 2021 à 6,7 % au dernier trimestre de 2022. L’institution prévoit qu’elle s’établira autour de 2,6 % au dernier trimestre de cette année, pour atterrir à la cible de 2 % en 2024.

Des jeunes préoccupés

L’ISQ ajoute que la croissance du revenu d’emploi supérieure à 10 % a été observée essentiellement chez les travailleurs de 25 à 34 ans et ceux de 55 à 64 ans. « Ça compense pour l’augmentation qui était plus faible en 2020, parce que ces deux groupes d’âge ont été particulièrement touchés, en matière de revenus d’emploi, pendant la pandémie en 2020 », a expliqué en entrevue à La Presse canadienne Marie-Hélène Provençal, coautrice de l’étude et chargée de projets à l’ISQ.

Les Canadiens âgés de 18 à 34 ans sont aujourd’hui beaucoup moins confiants quant à leur avenir financier, alors qu’ils tentent de faire face aux répercussions continues de l’inflation sur leur vie quotidienne, lit-on dans le sondage annuel de RBC sur l’indépendance financière.

« Le niveau de confiance de ces jeunes adultes a chuté à 18 %, contre 31 % l’an dernier, et la majorité d’entre eux s’inquiètent de leurs flux de trésorerie [77 %]. Les raisons de cette inquiétude sont les suivantes : revenu trop faible [46 %], charges fixes trop élevées [35 %] et dépenses imprévues [27 %] », poursuit l’institution financière.

Il ressort que 52 % des répondants disent être mal préparés aux effets de l’inflation et de la hausse des coûts qu’ils subissent actuellement. Voici les principales raisons :

47 % : « Je n’ai jamais vécu une inflation élevée avant. »

43 % : « Je n’ai pas prévu à quel point cela affecterait ma capacité à satisfaire mes besoins de base. »

34 % : « Je vivais déjà d’un chèque de paie à l’autre. »

32 % : « Je n’ai pas pensé à la façon dont cela affecterait ma capacité d’épargner ou d’investir pour l’avenir. »

Dans un autre sondage, présenté par la Banque Scotia, on peut lire qu’un Canadien sur quatre (26 %) est tellement stressé par sa situation financière qu’il en fait de l’insomnie. Ce ressenti est particulièrement manifesté par les membres des générations Z, Y et X. « Fait à noter, on constate des différences d’une région à l’autre du pays. Les Québécois sont moins susceptibles d’être d’accord avec l’énoncé voulant que leur situation financière leur cause un grand stress [17 %], alors que les Albertains sont les plus inquiets [32 %] », souligne la Scotia.

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