Rente tardive, calculs à refaire

La retraite venue, privilégier une rente tardive et différer le maximum d’impôt sont des conseils maintes fois répétés tel un mantra en planification financière. Or, avec la dernière bonification du crédit d’impôt remboursable pour le soutien aux aînés, il faudra revoir tout cela et refaire des calculs.

Sauf exception, l’avantage financier de reporter la prise de la rente à 65 ans, voire au-delà, est ressorti clairement dans les consultations publiques autour du Régime des rentes du Québec. Or, « différer l’imposition, ce n’est plus vrai. Reporter le versement des rentes, de la PSV et le décaissement des REER, ce n’est plus vrai. » L’invitation à revoir les calculs vient de Félix Caron, conseiller en sécurité financière chez Gestion Roger Dubois, lors d’un entretien au Devoir.

Le représentant en épargne collective inscrit auprès d’Investia services financiers pointe en direction du Crédit d’impôt remboursable pour le soutien des aînés. Québec l’a une nouvelle fois bonifié en 2022, en réaction à « la hausse persistante du niveau des prix à la consommation, fragilisant ainsi la situation financière de nombreux aînés ». Instauré en 2018 afin de procurer une aide financière aux particuliers admissibles âgés de 70 ans ou plus devant composer avec des revenus modestes, le crédit maximal était de 200 $ pour une personne seule et de 400 $ pour un couple d’aînés admissibles. À l’automne 2021, il est passé à 400 $ et à 800 $ respectivement. Pour l’année d’imposition de 2022, il s’établit à 2000 $ et à 4000 $ respectivement. Tout un saut !

Le calcul du crédit d’impôt tient compte d’un mécanisme venant réduire de 5 % l’aide fiscale pour chaque dollar de revenu familial qui excède le seuil applicable. Dans sa documentation, Québec précise que le revenu familial servant au calcul de la réduction du crédit d’impôt remboursable dépend de la situation conjugale du particulier. Ainsi :

Un aîné admissible vivant seulpourra bénéficier d’un crédit d’impôt remboursable pouvant s’élever à 2000 $ dans la mesure où son revenu familial, pour l’année d’imposition 2022, n’atteindra pas 64 195 $, le taux de réduction de 5 % s’appliquant à partir d’un revenu familial de 24 195 $ ;

un aîné admissible et son conjoint se qualifiant à titre d’aîné admissible bénéficieront d’un crédit d’impôt remboursable pouvant s’élever à 4000 $ lorsque leur revenu familial, pour l’année d’imposition 2022, n’atteindra pas 119 350 $, le taux de réduction de 5 % s’appliquant à partir d’un revenu familial de 39 350 $ ;

un aîné admissible et son conjoint admissible ne se qualifiant pas à titre d’aîné admissible pourront bénéficier d’un crédit d’impôt remboursable pouvant s’élever à 2000 $ lorsque leur revenu familial, pour l’année d’imposition 2022, n’atteindra pas 79 350 $, le taux de réduction de 5 % s’appliquant à partir d’un revenu familial de 39 350 $.

Vu la forte bonification du crédit d’impôt, le montant maximal ne fera plus l’objet d’une indexation annuelle à compter de l’année d’imposition 2022. En outre, pour les années postérieures à 2022, un mécanisme de revalorisation du taux de réduction applicable de 5 % sera introduit.

Taux effectif marginal d’imposition

« C’est la dimension socio-fiscale qui importe. À partir de 70 ans, ça vient augmenter le taux effectif marginal d’imposition [TEMI] de tous. L’impact est significatif », soutient Félix Caron. « Le crédit passe de 400 $ à 2000 $. Ça change la donne ! Plus on augmente le revenu imposable, moins on se qualifie pour ce crédit. »

« Le TEMI vient d’augmenter de cinq points de pourcentage. C’est énorme ! » En phase d’accumulation, un retour d’impôt moyen peut osciller autour de 37 %. Avec la bonification du crédit d’impôt remboursable, on paie au minimum un TEMI de 40 %. « Le revenu imposable après 70 ans devient pénalisant. Il faut décaisser en bas du TEMI », insiste-t-il.

Le REER peut ainsi devenir pénalisant pour les contribuables. Du moins, la bonification du crédit d’impôt se veut un désincitatif à une rente tardive. Il favorise plutôt le retrait hâtif tant sur le plan fiscal, financier que successoral. Pour plusieurs « Il faudra prendre la rente dès 60 ans et décaisser son REER dès 60-65 ans », conclut Félix Caron.

Qu’est-ce qu’un TEMI ?

Le taux effectif marginal d’imposition (TEMI) est la mesure du taux de charge fiscale sur un revenu supplémentaire. En effet, si le revenu de travail augmente, il est possible que les impôts sur le revenu fédéral et du Québec soient plus élevés, que des cotisations au régime public d’assurance médicaments ou des cotisations sociales (RRQ, RQAP, AE) supplémentaires soient à payer ou que des prestations fiscales diminuent (moins de crédits pour les taxes à la consommation ou de prestations pour enfants, par exemple), explique la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Le TEMI tient compte de tous ces éléments. Par exemple, un TEMI de 55 % indiquerait que 55 % du revenu de travail additionnel ne reste pas dans les poches du ménage en raison des hausses d’impôts, de cotisations ou des pertes de prestations.


Une version précédente de ce texte, qui indiquait qu'avec la bonification du crédit d’impôt remboursable, on paie au minimum un taux effectif marginal d’imposition (TEMI) de 42 %, a été corrigée. Ce minimum est de 40 %.

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