Déjouer les pièges de la propagande guerrière

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a été déclenchée le 24 février 2022. Presque un an plus tard, la guerre se poursuit. C’est un bon moment pour apprendre aux élèves quelques trucs pour naviguer de façon critique. Ces stratégies sont valables en tout temps, mais plus encore en ces heures tragiques. Car la propagande est particulièrement présente en temps de guerre et la pensée critique, plus indispensable que jamais.

Voici quelques idées pour consacrer un cours à ce sujet.

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Ce texte est publié via notre section Perspectives.

De Creel à Internet

Prélude historique. Je commencerais par rappeler aux élèves le travail accompli par la commission Creel, aux États-Unis, durant la Première Guerre mondiale. Elle a réussi à rendre l’opinion publique, qui s’y opposait, favorable à l’entrée en guerre. Je leur montrerais ces célèbres affiches qu’on voyait un peu partout et qui contribuèrent à ce travail. Je leur parlerais aussi de ces porte-parole formatés, ces fameux « Four Minute Men », chargés d’intervenir en public pour dire, par un discours appris par coeur, pourquoi il fallait entrer en guerre.

Je demanderais ensuite aux élèves de dire ce qui a changé dans tout cela. Qu’en est-il aujourd’hui des images et des discours de propagande ? Internet et les réseaux sociaux vont vite être évoqués, avec leurs pouvoirs de propagation d’images et de discours tellement plus grands que ce qu’avait à sa disposition la commission Creel.

Des trucs à connaître et à mettre en pratique

Commençons justement par les images et leur prolongement actuel : les vidéos.

On peut les utiliser hors contexte et laisser entendre qu’ils signifient autre chose que ce qu’ils disaient réellement ; ou utiliser des comédiens ressemblant aux personnes auxquelles on veut faire dire des choses. Appelons tout cela des faux. Mais à l’aide de l’intelligence artificielle, on peut aller bien plus loin et fabriquer ce qu’on appelle des « deep fakes », des « super faux » en quelque sorte.

Il y a quelques mois, on a pu voir et entendre le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, demander à son pays de capituler devant l’armée russe. C’était sur les réseaux sociaux d’une chaîne de télévision ukrainienne. Aucune raison de douter, n’est-ce pas ? Eh bien, c’était justement un « super faux ».

Apprendre à repérer ces derniers est nécessaire, mais pas toujours facile. Avoir son détecteur de poutine en marche est nécessaire. En cas de soupçon, plusieurs ressources existent, dont Deepware ou InVID. Ce serait une bonne idée de demander aux élèves de s’exercer sur quelques cas…

Je suggère d’expliquer ensuite la distinction entre mésinformation et désinformation. La première ne dit pas la vérité ; la deuxième ment sciemment. En temps de guerre, elle est couramment pratiquée. En donner des exemples à ce moment du cours serait une bonne idée.

Rappeler ensuite ce que sont les bots, les trolls et comment la mésinformation et la désinformation se propagent de manière inquiétante. Et que le nombre de personnes qui suivent un influenceur n’est pas un indice de la véracité des propos de celui-ci.

Pour rester à l’abri des mensonges — et ceci est crucial — , il faut se rappeler que du savoir sur le sujet dont on nous parle est nécessaire. Restons modestes et cherchons à en acquérir.

Pour cela, connaître ce que signifient les terminaisons des noms des domaines qu’on trouve sur Internet est nécessaire : .com, .org, .info, .cc, .net et ainsi de suite. Il est aussi sage, bien souvent, de vérifier qui possède ou dirige le site qu’on consulte, au moyen d’un outil de recherche de données d’enregistrement comme ICANN.

Il faut aussi connaître les différents genres de sites qui existent. Ceux de journaux, de blogues universitaires, de discussions, de partage d’infos, etc. Ce n’est pas du tout la même chose.

Il sera aussi important de faire connaître aux élèves toutes ces stratégies qu’on utilise pour capter et garder leur attention, qui sont bien décrites par le modèle avancé par Nir Eyal.

Apprendre à vérifier

Même avec toutes ces connaissances, il n’y a pas de recette magique, moins encore en temps de guerre. Mais ce que pratiquent couramment les vérificateurs de faits professionnels reste utile. Pour mémoire.

On ne clique pas sur les premiers liens d’une recherche faite sur Google, on en examine quelques pages avant d’arrêter son choix ; on fait ensuite une recherche sur le lien qu’on a décidé de consulter avant de le faire — de belles surprises nous attendent parfois — et on va faire un tour sur la page de discussion (le lien est tout en haut à droite) de la page Wikipédia (si elle existe, bien sûr…) du sujet qui nous intéresse. Là aussi, on apprend souvent des choses précieuses sur ce qui fait débat à propos du sujet qui nous intéresse.

C’est souvent très efficace.

Puis, il y a des sites de vérification des faits à connaître, comme celui des Décrypteurs de Radio-Canada, le CheckNews de Libération et d’autres que je vous laisse choisir.

Il y aurait encore beaucoup à dire : mais à vous de jouer, en classe. Peut-être en rappelant que tant d’indices montrent les effets néfastes pour la santé des individus et celle de la conversation démocratique d’une fréquentation trop grande et sans recul critique de la Toile et des réseaux sociaux ?

Bon cours !



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