Maximiser ses REER chaque année est-il suffisant pour la retraite?

Le thème de cette chronique ne se démarquera certainement pas par son originalité. Cédant à la pression populaire, je réponds à une autre question concernant les REER (régimes enregistrés d’épargne-retraite), ce qui, je le concède, n’est guère cohérent avec mon intention affirmée de ne pas contribuer à la « saisonnalité » de l’épargne-retraite !

La question mérite toutefois d’être posée, peu importe la page qui s’affiche au calendrier. Peut-être savez-vous déjà que l’investissement régulier représente une des clés du succès en matière de préparation de la retraite. Plus vous épargnez tôt dans votre vie, moins les efforts requis pour atteindre vos objectifs, grâce à la magie de l’intérêt composé, seront importants.

Ne serait-il pas logique, donc, de conclure que cotiser au maximum chaque année à son REER est une règle universelle à suivre pour réussir la préparation de sa retraite ? Examinons cela de plus près.

Le pourcentage magique n’existe pas

Rappelons d’abord qu’il est possible de contribuer à votre REER jusqu’à 18 % de votre revenu gagné l’année précédente. Les cotisations à des régimes de retraite ou à des régimes de participation différée aux bénéfices (RPDB) diminuent le plafond de cotisation en fonction d’un facteur d’équivalence veillant à ce que tous les contribuables reçoivent un avantage fiscal uniforme dans les régimes enregistrés.

En principe, le fait de cotiser chaque année au maximum à votre REER — tout comme si vous aviez participé à un régime de retraite pendant toute votre vie active — vous permettra de vivre avec 60 à 70 % de votre revenu brut à la retraite. Ainsi, la réponse à la question du titre devrait théoriquement être positive. Mais ce n’est pas aussi simple…

Il faut se demander pourquoi l’idée voulant que 10 % du revenu brut doive être épargné pour la retraite persiste dans l’esprit populaire. D’une part, il faut savoir que le moment où on commence à épargner est un facteur très important à considérer dans l’équation. Il dépend surtout de l’âge auquel vous avez commencé votre épargne. Par exemple, si vous épargnez depuis que vous avez quitté les bancs d’école, vous pourrez peut-être vous arrimer à l’objectif des 10 %. En revanche, si vous avez revêtu les habits de la cigale trop longtemps, il est probable que les 18 % de votre revenu gagné investi dans le REER seront nettement insuffisants.

Évidemment, la réponse ne sera pas la même pour tous. Elle variera en fonction de votre profil de tolérance au risque, lequel influencera le rendement potentiel sur l’investissement. Encore une fois, tout cela dépend de vos objectifs, de votre horizon de placement, du rendement projeté des actifs, du coût de vie visé à la retraite.

En définitive, la seule façon de savoir si vous cotisez suffisamment est d’établir un plan financier qui tiendra compte de toutes vos sources de revenu, projeté à la retraite. N’oublions pas qu’un entrepreneur ou un investisseur immobilier n’a pas la même réalité qu’un salarié. D’autres sources de revenus doivent être considérées dans leur cas, ces pourcentages généraux perdant toute leur signification.

Deux idées préconçues

Les raisons pour lesquelles il est impossible de conclure que maximiser ses REER chaque année est simple et suffisant — ce qui ne veut pas dire facile pour autant ! — sont nombreuses. Chose certaine, pour les hauts salariés, ce mythe doit tout simplement être déboulonné. Les droits REER étant plafonnés à 30 780 $ pour 2023, le fait de contribuer au maximum à son REER annuellement pourrait en effet engendrer une déception à la retraite pour les salariés gagnant plus de 171 000 $. En pareil cas, le fait de contribuer au maximum dans ses REER chaque année et de dépenser tous les surplus conduirait à une baisse marquée du niveau de vie à la retraite. Il faudra un effort supplémentaire d’investissement pour garder le même niveau de vie, dans d’autres régimes, comme le CELI ou le non enregistréou d’autres actifs.

Une autre idée préconçue est de penser que l’on peut trop cotiser au REER. Je ne fais pas ici référence aux cotisations excédentaires, qui entraînent des pénalités, mais bien au fait de croire que cotiser au maximum chaque année à son REER pourrait vous pénaliser plus tard, puisque vous serez davantage imposés sur les retraits. En théorie, la réponse est oui, on peut trop cotiser au REER. La planification de la retraite devrait tenir compte du coût de vie projeté à ce moment-là. Vos cotisations actuelles devraient couvrir seulement ce niveau de vie projeté, en tenant compte des autres sources de revenu imposable disponibles.

Ainsi, il est possible qu’il soit plus stratégique d’investir l’excédent dans un CELI, puisque les retraits de ce compte sont non imposables. Dans ma pratique, je n’ai encore jamais vu de projets de retraite basés sur une réduction du niveau de vie très importante.

Par ailleurs, la majorité des contribuables auront un taux d’imposition plus bas à la retraite, sans compter que de nombreuses hypothèses dans les plans de retraite sont toutes sauf garanties. En somme, si vous avez toujours cotisé les 18 % de votre revenu gagné au REER, il y a plus de probabilités que votre stratégie soit gagnante plutôt que perdante.

Si vous cherchez à atteindre l’indépendance financière le plus tôt possible dans votre vie, il est indéniable que viser une cotisation maximale chaque année à votre REER demeure un objectif ambitieux, mais efficace. Pour les jeunes investisseurs, l’apparition du CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété) en 2023 doit toutefois être prise en compte dans l’analyse, car les premiers 8000 $ gagneront à partir de cette année à y être dirigés.

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