Devrais-je rembourser mon hypothèque ou cotiser à mon REER?
Selon mon entourage professionnel, de plus en plus de gens se demandent s’il vaut mieux rembourser leur hypothèque ou cotiser à leur REER. À une consoeur planificatrice financière qui m’a demandé ce que je répondrais, moi, à cette sempiternelle question, j’avoue que j’ai offert une réponse vive qui l’a prise par surprise. Je dois l’admettre, cette question m’irrite bien malgré moi. La raison est simple : ce n’est pas une bonne question. En toute franchise, c’est même plutôt un faux dilemme.
Bien sûr, je comprends parfaitement ce qui motive cette question. Les taux d’intérêt étant très élevés, il est vrai que le même paiement hypothécaire, si votre prêt est à taux variable, ne permet pas de rembourser autant de capital sur votre emprunt initial qu’avant. Pour ceux qui en sont au renouvellement de leur prêt, il est aussi vrai que les nouvelles mensualités négociées grugeront une nouvelle partie du revenu disponible.
En parallèle, nous avons récemment reçu nos relevés de placements au 31 décembre 2022, confirmant une année désastreuse pour une majorité. Le premier constat est donc qu’à court terme, le coût d’emprunt est plus élevé que le rendement de vos placements, ce qui contraste absolument avec le portrait de la dernière décennie. Toutefois, je ne consacrerai pas cette chronique à présenter une analyse comparative démontrant l’accroissement de la valeur nette projetée selon différents scénarios entre l’une ou l’autre des options. La véritable question est tout autre.
Remettre en question les dépenses discrétionnaires
Les questions les plus utiles sont parfois les plus pénibles. Devrais-je remettre ce voyage dans le Sud annuel, le nouveau vélo de montagne, le changement de voiture pour rembourser plus vite mon hypothèque ? Devrais-je réviser le budget de sorties, loisirs, restaurants pour rembourser plus vite mon hypothèque ? Oui, ce sont là les bonnes questions à se poser. Le contexte actuel exige un optimisme prudent, que je recommande régulièrement à mes clients.
Le véritable enjeu est ici, dans les dépenses discrétionnaires, celles associées au plaisir. Dans la plupart des cas, ce sont ces dépenses qui devraient être remises en question si vous souhaitez vraiment améliorer votre situation financière. Pas vos investissements pour la retraite comme le REER.
Très simple, en théorie, ce principe de base est très difficile à mettre en pratique. Votre budget devrait être adapté selon vos nouveaux engagements hypothécaires et vos autres emprunts, ainsi que la hausse de vos dépenses fixes. Cet exercice devrait inclure l’épargne dans les dépenses de base.
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La dernière étape sera de revoir vos dépenses discrétionnaires, avec tous les déchirements et toute la déception qui pourront en découler. La clé de la réussite de cette démarche pourrait bien être d’être accompagné dans la mise en oeuvre d’un plan financier à long terme. En visualisant les impacts concrets de l’épargne dans la préparation de votre indépendance financière, vous augmenterez sans aucun doute votre motivation.
Donc, aucun plaisir tant qu’il me reste une hypothèque ? demanderez-vous.
J’entends déjà mon frère, l’économe, saisir la balle au bond : « Donc, tu me dis que je ne peux pas voyager tant que j’ai une hypothèque ? » Non, ce n’est pas ce que j’affirme en tant qu’ambassadrice de l’équilibre.
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Un sondage Ipsos réalisé en ligne auprès de 2001 Canadiens entre le 8 et le 16 décembre 2022 pour le compte de TD Canada Trust nous apprenait cette semaine que seulement 59 % d’entre eux auraient investi en 2022. Cela démontre d’une part l’insécurité de la population face à l’environnement économique actuel et confirme l’importance d’être entouré d’experts pour prendre des décisions financières éclairées. Toutefois, il se peut aussi fort bien que ces résultats illustrent que la majorité des ménages ont choisi, en réaction à la hausse des taux d’intérêt et du coût de la vie, de réduire l’épargne avant de revoir leurs dépenses personnelles. Comme quoi il semble naturel pour l’être humain d’attendre d’être « au pied du mur » pour apporter des changements importants à ses habitudes.
Ce que je dis, donc, ce n’est pas qu’il faut éliminer tous les postes du budget associés au plaisir pour rembourser plus vite votre hypothèque. Toutefois, un exercice de révision des priorités devrait être amorcé si votre premier réflexe est de cesser d’investir dans vos REER en réaction à la nouvelle réalité financière. Les cotisations REER permettent non seulement d’épargner pour la retraite, mais elles permettent à plusieurs ménages, même ceux dont les revenus sont plus modestes, d’augmenter leurs liquidités à court terme en générant, bien sûr, un remboursement d’impôts, mais également en optimisant le taux effectif marginal d’imposition, lequel permet l’augmentation de nombreuses prestations sociofiscales.
Donc, REER ou hypothèque ? Je réponds : fausse question ! Vous devriez idéalement faire les deux, point. Puisqu’il faut voir le positif dans tout, faisons preuve de gratitude si nous faisons partie des ménages ayant la possibilité d’adapter leurs stratégies financières plutôt que de vivre l’insécurité financière qu’apporte, pour d’autres, le contexte d’inflation actuel.