Lente adoption des véhicules électriques

La réglementation et les incitatifs gouvernementaux aidant, il est attendu que les véhicules électriques (VE) domineront les ventes de tous les autres groupes motopropulseurs d’ici 2033, soit cinq ans plus tôt que prévu, a déjà prédit le cabinet EY. Au Canada, nous sommes loin du compte, à 12 ans de l’échéancier confinant la vente d’automobiles et de camions légers à passagers aux véhicules zéro émission.

Le nombre total de véhicules automobiles immatriculés au Canada s’est chiffré à 26,2 millions en 2021, selon Statistique Canada. Du nombre, les véhicules légers ont représenté neuf véhicules automobiles sur dix et les voitures particulières sont demeurées le type le plus courant. « Bien que 94,9 % de tous les véhicules légers immatriculés continuent d’être à moteur essence en 2021, il y avait 303 073 véhicules hybrides électriques, 152 685 véhicules électriques à batterie et 95 896 véhicules hybrides rechargeables immatriculés », souligne l’agence fédérale. Ici, Québec Roulez vert nous dit qu’en date du 31 juillet 2022, 151 687 véhicules électriques et hybrides rechargeables circulaient sur les routes du Québec.

Pression sur les prix

Une conjoncture économique défavorable vient toutefois ajouter du plomb. Anila Siraj, directrice des carburants de remplacement pour le site spécialisé Kalibrate, le résume bien. Réduire le prix des VE pour stimuler une adoption grand public reste un défi, même avec l’arrivée de nouveaux modèles moins onéreux à l’achat. De plus, avec une demande dépassant l’offre, il en résulte une pression haussière sur les prix et une augmentation des temps d’attente. Pas étonnant que, depuis le 1er avril 2022, le seuil maximal du prix de détail suggéré pour qu’un véhicule soit admissible au programme Roulez vert est passé de 60 000 $ à 65 000 $, soit une hausse de plus de 8 % visant à ajuster le programme au contexte économique actuel.

La flambée du coût de la vie force également des arbitrages budgétaires et des compressions dans l’enveloppe des dépenses discrétionnaires. S’y greffent les menaces de la récession attendue sur l’emploi, le taux d’inflation
provoquant une érosion du pouvoir d’achat et la forte poussée des taux d’intérêt. Et même si les véhicules loués peuvent venir à représenter la majorité des transactions, « le marché des revendeurs crée également un piège pour ceux qui recherchent des VE abordables », ajoute Anila Siraj. À l’échéance des baux, « même avec le retour d’un plus grand nombre de VE, les retards dans l’approvisionnement en véhicules neufs rendent les véhicules d’occasion tout aussi chers, sinon plus ».

Et si l’augmentation des coûts associés aux véhicules à combustion interne est devenue une variable sensible avec la montée du prix de l’essence, les interrogations, voire les inquiétudes, se font toujours persistantes quant à la mise en place des infrastructures de recharge requises, à la capacité et à la rapidité de recharge, ainsi qu’à l’autonomie des VE. S’ajoutent les distorsions et perturbations de la chaîne d’approvisionnement, qui multiplient les retards et les pénuries, et les interrogations concernant les matières premières et le volume des batteries, a-t-on déjà écrit.

Vivement le recyclage

Sur ce dernier point, le spécialiste de l’environnement Will Dubitsky a rappelé sur son site Green Transition que la Banque mondiale présume que la demande de minéraux critiques liés aux batteries augmentera de 500 % d’ici 2050. Pour le lithium et le graphite, l’expansion de la production pourrait atteindre 4000 %. N’empêche, pour le reste de ce siècle, la plupart des besoins mondiaux en minéraux critiques peuvent être satisfaits à partir des ressources minières des pays démocratiques et du recyclage à 95 % du contenu des batteries, souligne-t-il. « Les recherches indiquent qu’avec une grande quantité de batteries recyclées, l’approvisionnement en minéraux critiques permettra l’électrification des transports mondiaux jusqu’en 2100. Ce scénario verrait les véhicules électriques représenter 50 % des réserves de lithium et 55 % de cobalt. »

Will Dubitsky ajoute que les prix du lithium extrait ayant augmenté de 80 % en 2022, les matériaux recyclés offrent des avantages économiques et environnementaux. « D’ici 2040, l’optimisation du recyclage réduirait la demande projetée de lithium extrait de 25 %, de cobalt et de nickel de 35 % et de cuivre de 55 %. » Cette pression favorisant le recyclage vient également de pratiques d’extraction fortement émettrices de gaz à effet de serre ou venant de pays où les questions de responsabilité environnementale et sociale posent problème. « La mauvaise nouvelle est qu’une grande partie de l’activité minière critique échappe à l’environnement, aux droits de la personne et/ou à d’autres questions éthiques. »

Quant à l’empreinte environnementale des VE, le spécialiste de l’environnement reprend les conclusions d’un rapport de la Union of Concerned Scientists des États-Unis couvrant l’ensemble du cycle de vie, allant des matières premières au recyclage des batteries, qui indique qu’un VE a un impact sur le réchauffement climatique inférieur de 50 % à celui d’un véhicule à combustion interne, à usage similaire.

Selon une étude de Transport Environnement de 2022, un VE en Europe émet trois fois moins de CO2 qu’un véhicule à combustion interne. En Chine et en Pologne, pays fortement dépendants du charbon pour l’électricité, l’avantage d’un VE se traduit par 37 % de CO2 en moins. En Suède, où l’électricité provient presque entièrement de sources propres, un VE en émet 83 % de moins.

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