Le match revanche de Saint-Henri–Sainte-Anne
On dit généralement qu’une élection partielle est l’occasion d’envoyer un message au gouvernement, mais il peut aussi arriver que les électeurs en profitent pour envoyer un message aux partis d’opposition.
Aux élections générales du 3 octobre dernier, l’ex-cheffe du Parti libéral du Québec, DominiqueAnglade, l’avait emporté avec 36,1 % des voix dans Saint-Henri–Sainte-Anne, suivie par le candidat de Québec solidaire, Guillaume Cliche-Rivard (27,7 %), loin devant les représentants de la Coalition avenir Québec (17,7 %), du Parti québécois (8,2 %) et du Parti conservateur du Québec (6,3 %).
L’élection partielle qui y sera tenue le 13 mars prend donc l’allure d’un match revanche entre le PLQ et QS, qui ressentent tous les deux un urgent besoin de bonnes nouvelles après des mois difficiles.
Il suffit de jeter un oeil aux caractéristiques linguistiques de la circonscription pour constater que les chances de victoire de la CAQ et du PQ, sans parler du PCQ, sont pratiquement inexistantes. Lors du recensement de 2021, 53,4 % des résidents de Saint-Henri–Sainte-Anne avaient le français pour langue maternelle, 21,3 % l’anglais et 25,3 % une autre langue.
Alors que la CAQ a demandé à un jeune attaché politique de faire acte de présence, ni le PQ ni le PCQ n’ont encore désigné de candidat. De toute évidence, aucun d’entre eux ne cultive de grands espoirs pour cette élection partielle.
À l’opposé, la rapidité avec laquelle le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay, a ouvert les hostilités contre QS témoigne de l’importance que les libéraux accordent à cette lutte.
D’entrée de jeu, il avait indiqué être à la recherche d’un candidat opposé à la loi 96 sur la langue, accusant QS d’avoir « un double discours sur la défense des droits et libertés ». Au point où il en est, le PLQ n’a aucune objection à passer pour le « parti des Anglais ».
S’il est vrai que QS a été le seul parti d’opposition à voter pour la loi 96, malgré certaines réserves, bon nombre d’électeurs anglophones se sont souvenus l’automne dernier de l’accueil positif que le PLQ lui avait réservé au départ.
La mémoire est peut-être une faculté qui oublie, mais encore faut-il lui en laisser le temps. Certains électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne pourraient aussi retenir qu’il y a moins d’une semaine, les libéraux ont appuyé la motion du gouvernement Legault réclamant le départ d’Amira Elghawaby, alors que QS a plutôt choisi de s’abstenir.
Perdre ce château fort serait un véritable désastre pour le PLQ. Son candidat, l’entrepreneur multilingue Christopher Baenninger, qui avait obtenu une honorable deuxième place derrière l’indélogeable Manon Massé dans Sainte-Marie–Saint-Jacques, est un candidat de qualité. S’il n’arrive pas à l’emporter, il faudra conclure que la situation du parti est encore plus désespérée qu’on le croyait.
Inutile de dire qu’une défaite libérale ne serait pas de nature à stimuler les aspirations à la succession de Dominique Anglade.
Encore sous le coup de la déception causée par les résultats du 3 octobre, Québec solidaire mise gros sur Saint-Henri–Sainte-Anne. « Un de plus, c’est toujours le fun », a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois. En réalité, il s’agit de bien plus que de l’arrivée possible d’un douzième député solidaire à l’Assemblée nationale.
À défaut d’une expansion en région, une victoire le 13 mars prochain démontrerait au moins que des progrès demeurent possibles sur l’île de Montréal, alors qu’une défaite aurait toutes les apparences d’un plafond électoral inquiétant pour l’avenir.
QS vise sensiblement la même clientèle multiculturelle que le PLQ. Gabriel Nadeau-Dubois assure que QS ne passera pas la campagne à répliquer aux attaques des libéraux, mais il ne présente pas moins Guillaume Cliche-Rivard, avocat spécialisé en droit de l’immigration, comme « une voix forte pour l’inclusion ».
Compte tenu du faible score enregistré par le PQ l’automne dernier, les attentes à son endroit sont modestes. Mais, dans un passé pas si lointain, le parti a déjà signé des performances tout à fait honorables dans Saint-Henri–Sainte-Anne. Avant 2018, ses candidats et candidates y arrivaient systématiquement deuxièmes, avec un résultat souvent supérieur à 30 %.
Cette circonscription n’est assurément pas le terreau le plus fertile pour le discours souverainiste. Par contre, avec 53,1 %, le Non ne l’avait pas emporté avec une majorité aussi écrasante que celles qu’on avait constatées dans l’ouest de l’île de Montréal en 1995.
Malgré le succès d’estime obtenu par Paul St-Pierre Plamondon, le PQ n’est pas dans la course. Mais une progression de quelques points serait déjà encourageante.