Réflexion sur le Régime de rentes du Québec
La consultation publique s’engage ce printemps autour d’un Régime de rentes du Québec (RRQ) en santé, en très bonne santé. Faut-il abaisser le taux de cotisation ou bonifier la sécurité financière des retraités et bénéficiaires ? Et, au passage, revoir à la hausse l’âge minimal d’admissibilité ? C’est selon.
Il existe un vieux réflexe en politique publique qui consiste à tirer parti des habitudes de cotisations des contribuables. Dans le champ fiscal, on connaît l’adage : il n’y a pas plus permanente qu’une taxe temporaire. D’autant que l’incertitude économique et géopolitique n’incite pas à jouer au yoyo avec le taux de cotisation au RRQ.
La réflexion qui s’amorce est bien campée dans son contexte d’instabilité conjoncturelle, de changements climatiques, d’évolution démographique et de longévité, de baisse des attentes des rendements futurs et d’augmentation de l’indexation des rentes projetées. Plus près de nous encore, elle interpelle les considérants liés à l’immigration, à la transformation du marché du travail et au maintien en emploi des travailleurs d’expérience. Avec pour simple mathématique qu’une réduction de la demande d’une rente anticipée, sous les 65 ans, induit un accroissement des sommes versées aux futurs prestataires.
D’abord, les constats tirés des documents de référence. En 1966, une personne de 65 ans pouvait espérer vivre encore 15 ans en moyenne. Aujourd’hui, on estime qu’une personne qui prend sa retraite à cet âge aura une retraite d’environ 21 ans. Dans une quarantaine d’années, la retraite d’une telle personne durera plus de 24 ans.
En outre, l’épargne des Québécois peut être insuffisante pour couvrir le revenu de remplacement qui permet de maintenir la qualité de vie à la retraite. L’épargne personnelle est nécessaire pour tous ceux qui gagnent plus de 30 000 $ par année. « Pourtant, en 2019, 41 % des personnes qui gagnaient de 30 000 $ à 50 000 $ par année ne s’étaient pas constitué d’épargne-retraite, à part leurs cotisations au RRQ. »
On peut également lire qu’une importante part de la population demande à recevoir une rente anticipée, qui prévoit cependant une prestation réduite pour toute la durée de la retraite.
Ensuite, le bilan selon l’évaluation actuarielle au 31 décembre 2021. « Le RRQ est en bonne santé financière. » Sa réserve au 31 décembre 2021 s’élevait à 103 milliards de dollars « alors que les entrées de fonds seront suffisantes pour verser les rentes aux bénéficiaires pour les cinquante prochaines années. Ainsi, les taux de cotisation prévus par la loi sont adéquats, et aucune hausse n’est requise. »
Ce niveau de 103 milliards était projeté pour 2025 seulement, souligne-t-on. Il est prévu qu’elle atteindra les 303 milliards dans 25 ans, les 847 milliards dans 50 ans. On parle d’un taux de cotisation prévu dans la loi de 10,8 % et d’un taux d’équilibre de 10,54 %.
Cela vaut pour le régime de base. Le système québécois prévoit un régime complémentaire en vigueur depuis 2019. Sa réserve se chiffrait à 3 milliards au 31 décembre 2021. Elle devrait exploser sous le jeu de l’effet des rendements composés pour atteindre les 250 milliards dans 25 ans, les 954 milliards dans 50 ans, dépassant ainsi celle du régime de base. Ici, on parle d’un taux de cotisation prévu dans la loi de 2 % et d’un taux de référence de 1,85 % pour le premier volet du régime supplémentaire.
Pour expliquer simplement, le financement du régime de base repose principalement sur l’évolution de la masse salariale et celui du régime supplémentaire, sur ses actifs financiers et leur rendement.
Ce système à deux régimes, qui a pris forme le 1er janvier 2019, s’appuie sur l’objectif de faire passer le taux de remplacement du revenu obtenu du régime public de 25 % à 33,33 %. Dans sa deuxième phase, à partir de janvier 2024, la bonification s’attardera au maximum des gains admissibles (MGA), soit le salaire maximal sur lequel le travailleur cotise au régime.
Dans le cadre de l’actuelle consultation, le ministère des Finances propose d’entrée de jeu quelques pistes de réflexion, à savoir :
améliorer la sécurité financière des personnes retraitées ;
favoriser le maintien en emploi des travailleurs d’expérience ;
protéger la rente de retraite des personnes qui subissent une diminution de revenus dans des situations particulières ;
préserver la bonne situation financière du RRQ.
Hausser les âges d’admissibilité à la rente ?
Dans la foulée, Retraite Québec invite à s’interroger sur la pertinence de revoir à la hausse l’âge minimal et l’âge maximal d’admissibilité à la rente, qui sont respectivement de 60 ans et de 70 ans. En conservant cette période de 10 ans, elle propose deux options :
Hausser l’âge minimal d’admissibilité à 62 ans et l’âge maximal à 72 ans, sur une période de 7 ans. « Si on relevait à 62 ans l’âge minimal, une personne ayant droit au montant maximal toucherait à vie une rente plus élevée de 22 %. De même, en relevant l’âge maximal à 72 ans, une personne pourrait obtenir à vie une rente plus élevée de 12 % », calcule l’organisme.
Hausser l’âge minimal d’admissibilité à 65 ans et l’âge maximal à 75 ans, sur une période de 22 ans. Si on relevait à 65 ans l’âge minimal, une personne ayant droit au montant maximal toucherait à vie une rente plus élevée de 56 %. De même, en relevant l’âge maximal à 75 ans, une personne pourrait obtenir à vie une rente plus élevée de 30 %.
Dans ces deux options, les bénéficiaires du RRQ recevraient leur pleine rente de retraite à compter de 65 ans. De plus, actuellement, une personne qui travaille doit cotiser au RRQ même lorsqu’elle reçoit déjà sa rente de retraite. « Bien qu’il demeure généralement avantageux de continuer à cotiser, les bénéficiaires de la rente du RRQ qui travaillent encore pourraient cesser de cotiser dès 65 ans », dit-on. Cette mesure harmoniserait également les règles du RRQ et du Régime de pensions du Canada.