Peut-on parler du rendement de mes placements?
Pour qui plonge dans ses relevés de placements annuels datés du 31 décembre — une activité courante à ce moment-ci de l’année —, cet examen vient souvent avec des questions. C’est sans doute ce qui est arrivé à mon client qui, à la suite de la confirmation de son rendez-vous de suivi annuel, m’a demandé de profiter de notre rencontre pour « parler de [ses] rendements ».
Si, comme lui, vous avez reçu ces documents réglementaires, votre attention s’est probablement dirigée automatiquement vers le rendement annuel. Des dizaines d’autres informations utiles se retrouvent dans ces documents, mais nous cherchons tous naturellement en priorité cette donnée, qui saute littéralement aux yeux, et ce, encore plus vite lorsqu’elle est négative !
Soyez prévenus : en 2022, toutes les catégories d’actifs ont terminé avec un recul important, sauf l’or. Dans ce contexte tout particulier, le marché obligataire et le marché des actions ont suivi la même tendance. Fortement corrélés et négatifs pour la cinquième fois dans l’histoire, ces marchés ont mené dans le rouge même les portefeuilles conçus pour être les plus sécuritaires.
Des rendements décevants, mais inévitables ?
Ainsi, même les clients les moins audacieux ont vécu une année exceptionnellement difficile à cause de la hausse des taux d’intérêt qui a fait trembler le marché obligataire, pourtant associé à la portion sans risque du portefeuille ! Traditionnellement, un portefeuille équilibré composé de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations a presque toujours « fait le travail ». Pas en 2022, une année qui affiche une des pires performances en 150 ans. Ironiquement, certains portefeuilles très modérés en risque ont même accusé un recul plus grand qu’un portefeuille composé avec plus d’actions !
Du côté des actions, plus votre portefeuille est axé sur les titres de croissance, plus vous avez vu la valeur de vos placements descendre, car il s’agit de la catégorie d’actifs qui s’est le plus corrigée au fil de l’année. Par ailleurs, les investisseurs responsables doivent considérer que leur rendement négatif aura été amplifié, car de nombreux fonds s’en sont tirés grâce à leurs positions dans des énergies non renouvelables.
Assurément, 2022 est une année à oublier. Il faut, pour les investisseurs, regarder en avant, car l’histoire démontre que les rendements moyens à la suite de la reprise des marchés baissiers sont souvent impressionnants.
Voir au-delà du négatif
Cela étant dit, le fait qu’il s’agissait, en quelque sorte, d’un passage obligé pour tous n’exclut pas de profiter de votre inconfort pour modifier vos prochains investissements. La réception de vos relevés de placements au 31 décembre est l’occasion parfaite pour vous arrêter quelques minutes afin de comprendre la construction de votre portefeuille.
Un portefeuille équilibré doit miser sur des fonds présentant un éventail de styles de gestion et de tailles de capitalisation. Par exemple, certains fonds ont un mandat beaucoup plus défensif, d’autres visent la croissance. Les fonds qui vous ont peut-être déçus dans les dernières années sont probablement ceux qui ont avantagé votre portefeuille cette année. Autre exemple: si vous avez observé beaucoup de volatilité dans vos titres de petite et de moyenne capitalisation, ce sont sûrement ceux-là qui vous apporteront d’agréables surprises à la reprise.
Dans le contexte de récession vers laquelle nous nous dirigeons (ou sommes peut-être déjà), certaines entreprises et certains secteurs sont plus résilients que d’autres. La sélection des titres prend dans ce contexte une importance accrue, ce qui pourrait commander une gestion plus active que passive. Vous devrez également éviter de miser sur un seul secteur d’activité, car aucun d’entre eux ne réagit de la même façon au cycle boursier.
Maintenir une discipline d’investissement
En tant qu’investisseur émotif, il est tout à fait normal d’avoir accumulé de l’insécurité dans les derniers mois. La question que certains se posent depuis la dernière année est de savoir s’il est sage de continuer à investir. Les statistiques de vente de produits comme les certificats de placement garanti (CPG) au Canada en 2022 en sont la preuve ! Avec un peu de recul, toutefois, il est plus rationnel de se demander s’il est stratégique de cesser d’investir en basant sa décision sur une année comme 2022. Après tout, si on se fie au passé, un tel scénario n’arrive qu’une fois toutes les deux décennies.
Il est fort probable que les marchés se corrigeront à nouveau en 2023, surtout si les banques centrales ajoutent de nouvelles hausses de taux à celles déjà anticipées dans les corrections du marché. À long terme, il n’en demeure pas moins que d’être présent en Bourse a toujours été plus payant que de conserver son capital à l’abri du risque. Le fait d’investir de façon régulière, sans anticiper le moment où nous atteindrons le creux de ce cycle difficile, est absolument à retenir pour la prochaine année.
En conclusion, plutôt que de porter votre attention sur le rendement de 2022, une année à oublier pour tous les investisseurs, déplacez-la sur une meilleure compréhension de votre portefeuille. C’est là qu’est la clé de la maîtrise de vos émotions comme investisseur