L’école au cœur de la vie du quartier

Depuis le tragique décès d’une écolière au coin des rues Parthenais et de Rouen et le renversement de la brigadière scolaire dans Ahuntsic-Cartierville, partout des voix s’élèvent pour exiger des changements aux codes de la sécurité routière et aux aménagements urbains aux abords des écoles. Des manifestations s’organisent pour exiger des gestes concrets de la part du gouvernement du Québec et des villes.

Pourtant, ce n’est pas la première fois que de tels drames se produisent à Montréal et au Québec. Ça fait des années qu’on appelle à des changements majeurs en la matière. Nous répétons les mêmes mots : une mort de plus est une mort de trop. En vain. La Société de l’assurance automobile du Québec a recensé, entre 2012 et 2018, six collisions par jour en moyenne dans les « zones scolaires ». Vous avez bien lu. C’est un chiffre absolument catastrophique.

Quand des élus font quelque chose de concret pour lutter contre ce fléau, rapidement de hauts cris se font entendre sur les réseaux sociaux et dans les médias pour dénoncer un discours et des actions auxquels on accole aussitôt l’étiquette « anti-voitures ». Que l’on pense seulement à des stratégies comme « Vision zéro décès et blessé grave » sur la route. Combien de fois ai-je entendu les sarcasmes des tenants de l’immobilisme railler ces approches en les réduisant à des stratégies « zéro vision » !

Comme maire, j’ai personnellement subi ce genre de foudres quand j’ai mis en place des mesures pour sécuriser toutes les écoles de Rosemont–La Petite-Patrie. Ce dont on parle moins, par contre, ce sont des remerciements des parents et de la communauté de l’école qui ont suivi.

Ne vous y trompez pas, les élus qui osent hausser le ton pour les piétons ne sont pas contre l’automobile. Partout, ceux-ci sont pour des aménagements qui protègent les plus vulnérables sur la voie publique. Ils sont pour des villes qui remettent l’humain au coeur de leur développement. Voilà le véritable enjeu de ce nouveau paradigme qui entraîne forcément des changements à nos modes de vie. Inévitablement, tout impact sur nos habitudes produit une résistance légitime aux changements.

Il en va de même sur les routes. Car les enjeux de sécurité routière sont d’abord et surtout une question de comportement humain. Les élus pourront dépenser des millions dans des aménagements urbains sécuritaires, tant et aussi longtemps que les comportements des différents usagers de la route ne changeront pas, il y aura encore des piétons qui seront heurtés.

Certes, des aménagements sécuritaires réduisent les risques de collision. Les contraintes à la fluidité automobile qui ont été implantées ont prouvé leur efficacité. Les interventions policières sur le terrain ont aussi un rôle à jouer, tout comme les autorités publiques. À cet égard, nous ne sommes plus à l’heure de la sensibilisation, mais à celle des pénalités aux mauvais comportements de tous ordres.

Quoi faire de plus, sinon installer plus de mesures d’apaisement de la circulation, direz-vous ? Et si on posait la question autrement ? Comment faire en sorte que l’école prenne une plus grande valeur dans la dynamique et la vie des quartiers ? Pas seulement à titre de services scolaires et éducatifs, mais comme lieu de vie des enfants qui la fréquentent.

Si on mettait l’école au coeur des milieux de vie comme on l’a fait avec l’église ou la caisse populaire, l’école deviendrait un lieu qui rassemble, capable de créer un sentiment d’identité au sein de la communauté. L’enfant serait alors au centre de nos préoccupations.

Il existe déjà de belles initiatives en ce sens qui mobilisent les parents et les communautés scolaires. Par exemple, dans certains quartiers, il y a des trottibus. Portés par la Société canadienne du cancer, ils permettent à des enfants de marcher en groupe vers l’école sous la supervision de parents bénévoles. Les projets de « rue-école » sont aussi de bons exemples à suivre. La caractéristique de ces aménagements est de permettre à une communauté scolaire de fermer complètement ou partiellement la rue de l’école à la circulation automobile pendant les heures d’entrée et de sortie des classes.

On pourrait aussi mettre en place des projets citoyens de corridors ludiques vers l’école ou de fermeture de rues complètes par des projets d’aménagement participatifs destinés aux enfants, comme L’île aux volcans dans Rosemont–La Petite-Patrie. L’idée centrale est de revoir l’usage et l’aménagement de l’espace public en mettant l’enfant au centre de toutes nos préoccupations. Tout aussi cruciale est l’idée de permettre aux collectivités de participer pleinement à la vision et à la mise en oeuvre des projets d’apaisement de la circulation.

Ces exemples démontrent que les parents et les collectivités peuvent se prendre en main et changer la dynamique du parcours de l’enfant vers l’école. Surtout, ils nous rappellent que ce n’est pas seulement à l’acteur public d’agir pour garantir la sécurité des écoliers. D’autant que, parfois, des mesures d’apaisement trop importantes peuvent refroidir la volonté de certains élus dont la carapace se fait plus mince devant les critiques des tout-à-l’auto.

On doit mettre l’école au coeur de la vie du quartier pour changer les mentalités, faciliter l’acceptabilité sociale des contraintes que cela suppose et inverser la mauvaise tendance engagée depuis les années 1970. C’est en se prenant en main que les collectivités pourront aller plus loin. Pour que cela fonctionne, les élus doivent partager le pouvoir avec les citoyens. Parce que plus d’enfants qui se déplacent seuls vers l’école, c’est aussi plus d’enfants en santé dans un milieu de vie plus convivial.

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