Bien arrimer ses REER et ses prestations de vieillesse

À la suite de la publication de ma chronique de la semaine dernière portant sur le décaissement des REER, un lecteur, Serge, m’a écrit le message suivant : « Pourquoi ne parle-t-on jamais du plafond de décaissement qui entraîne une baisse progressive du montant de la prestation de la Sécurité de la vieillesse (SV) ? À la retraite, si une personne reçoit déjà un revenu de retraite et qu’on ajoute le Régime de rentes du Québec (RRQ) et la SV, le retrait de son portefeuille REER pourrait amener une diminution à zéro de cette prestation. Alors, pourquoi recommander aux gens d’attendre pour décaisser leur REER ? »

Reprenons depuis le début. La SV est un programme de pension offrant un montant mensuel à tous les Canadiens de 65 ans et plus. Pour plusieurs, la rente commencera automatiquement le mois suivant cet anniversaire, bien qu’il soit possible de la reporter afin de profiter d’une bonification du montant. Si cette avenue s’adresse particulièrement aux contribuables ayant acquis un portefeuille de placements important à la retraite, le Supplément de revenu garanti (SRG) prévoit pour sa part le versement d’un montant supplémentaire non imposable aux personnes âgées ayant un revenu faible.

Notre lecteur a donc vu juste : il est vrai que si vos revenus nets de toutes provenances excèdent un certain seuil (81 761 $ en 2022), il vous faudra rembourser une partie ou la totalité du montant de la SV. Mais il importe de déboulonner quelques mythes persistants quant à l’ampleur de ce montant.
 

Une situation marginale

En fait, le calcul est tout simple : le montant à rembourser pour la SV est de 15 % sur l’écart entre le revenu que vous gagnez et le seuil établi. Par exemple, si en 2022 vous aviez un revenu imposable de 100 000 $, vous devrez rembourser à l’impôt 15 % de 18 239 $, soit environ 2736 $. Ce montant devra être remboursé à même vos prestations de l’année suivante (le calcul est toujours réalisé de juillet à juin).

Ainsi, à l’âge de 65 ans, la SV sera complètement récupérée si vos revenus excèdent 134 626 $. Même chose si à 74 ans vos revenus excèdent 137 331 $. C’est d’ailleurs ce qui explique probablement le fait que notre lecteur considère qu’il s’agit d’un enjeu peu couvert lorsqu’il est question de plan de décaissement : peu de retraités sont, dans les faits, concernés par cette pleine récupération de la SV.

Par ailleurs, il est important de préciser que le coût réel de cette récupération n’est pas vraiment de 15 % puisque les prestations de la Sécurité de la vieillesse sont imposables. Donc, la portion remboursée diminue le montant de prestations imposables l’année suivante. Ainsi, selon le Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF), un contribuable qui devrait rembourser la totalité de ses prestations verrait son taux d’imposition marginal augmenter d’environ 8 %.

Des stratégies à envisager

Comme discuté dans la chronique de la semaine dernière, un plan de décaissement doit être personnalisé selon les besoins réels de chaque retraité. La proposition de notre lecteur de décaisser plus tôt un certain montant de REER, avant l’âge maximal de conversion en fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), peut être intéressante dans certaines situations, mais il est impossible de généraliser cette stratégie. En effet, les retraits accélérés augmentent les impôts à court terme et il importe d’en tenir compte, tout comme de la perte des intérêts composés et du rendement à l’abri de l’impôt.

L’optimisation fiscale du portefeuille joue également un rôle clé en prévision de la retraite. Si vous détenez un portefeuille non enregistré peu important, vous pourriez par ailleurs envisager au début de la retraite l’utilisation de fonds fiscalement avantageux, permettant la distribution de capital et limitant les revenus de dividendes ou le gain en capital.

Enfin, cette réflexion autour de la SV devrait tout autant vous interpeller si vous êtes loin de la retraite. Dans le cadre d’une planification conjointe, une attention particulière devrait être portée en amont, afin de vous doter de stratégies permettant le fractionnement du revenu et d’équilibrer le plus possible les assiettes fiscales à la retraite. Par exemple, pour les couples dont l’un des membres jouit d’un revenu imposable plus élevé, le REER conjoint devrait être envisagé, en tenant compte des enjeux légaux et juridiques de mise pour les couples non mariés.
 


Correction: Une version précédente de cet article indiquait que si les revenus imposables excédaient un certain seuil (81 761 $ en 2022), il faudrait rembourser une partie ou la totalité du montant de la SV. Il s'agit plutôt des revenus nets de toutes provenances.

 



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