Que nous réserve 2023?
Pour 2023, si la récession est désormais une quasi-certitude, les pronostics divergent quant à son ampleur. Il en va de même pour l’apaisement attendu sur le front inflationniste. Un consensus se dégage toutefois : le poids de l’endettement restera lourd sur les épaules de nombre de ménages.
Doug Porter, économiste en chef à BMO Marchés des capitaux, est catégorique. L’inflation globale sera en baisse en 2023, aidée en cela par un effet de base ou de glissement annuel favorable, un apaisement des tensions sur les prix de l’énergie, une résorption des contraintes sur les chaînes d’approvisionnement et l’impact décalé d’une politique monétaire plutôt « agressive ». Mais il prévoit que l’inflation sous-jacente se fera persistante, notamment avec le relais de l’inflation passé au secteur des services. L’histoire enseigne que l’inflation dans les services est beaucoup plus difficile à extirper du système, dit-il.
Il prévoit que la hausse de l’inflation globale et, en particulier, sous-jacente, restera bien campée au sommet de l’intervalle cible de la Banque du Canada de 1-3 %, voire légèrement au-dessus d’ici la fin de 2023. « Tout simplement trop élevée pour le confort de la banque centrale […] Il n’y aura aucune possibilité de baisse des taux dans l’année à venir », soutient-il.
Au Mouvement Desjardins, l’on s’attend à ce que les taux d’inflation s’approchent des cibles des banques centrales d’ici la fin de l’année. Et même si la remontée des taux d’intérêt directeurs tire à sa fin, leur niveau restera élevé en 2023. « Le fardeau de l’endettement sera de plus en plus difficile à porter pour de nombreux ménages au Canada. » L’augmentation des taux d’intérêt et la fin des mesures d’urgence, sous forme de soutien financier des gouvernements et d’allégements des institutions financières, ont alimenté une forte augmentation du nombre de propositions aux créanciers. « Les faillites ne tarderont pas à suivre ce mouvement », écrivent les économistes de l’institution.
Effectivement, selon les données du Bureau du surintendant des faillites, pour la période de 12 mois qui a pris fin le 30 novembre, la hausse du nombre de dossiers d’insolvabilité au Québec se chiffrait à 8,1 % par rapport à la période correspondante terminée le 30 novembre 2021. Dans l’intervalle, le nombre de faillites de consommateurs s’inscrivait en baisse de 13,4 %, alors que les propositions ont augmenté de 22,2 %.
Correction immobilière
Il est également attendu qu’un nombre croissant de ménages renouvellera son prêt hypothécaire à un taux d’intérêt beaucoup plus élevé dans un marché de l’immobilier résidentiel appelé à poursuivre son rééquilibrage. Chez Desjardins, on prévoit une deuxième vague de baisses du prix moyen, après celle de 2022. Au Québec, le recul du prix moyen atteindrait les 15 % d’ici à la fin de l’année par rapport au sommet du printemps 2022. « L’offre de propriétés à vendre augmentera plus rapidement, et la demande fléchira davantage. Le marché pourrait même basculer à l’avantage des acheteurs en 2023 dans certaines régions de la province, ce qui prolongera la correction des prix. »
À l’échelle canadienne, la TD pense que les ventes de propriétés résidentielles vont atteindre un creux en ce début d’année, faisant ainsi écho au cycle de resserrement de la politique monétaire. Malgré ce creux, « les niveaux de vente devraient rester déprimés, à cause du contexte d’accessibilité le plus faible depuis la fin des années 1980, début des années 1990. Ainsi, 2023 devrait marquer l’année de ventes la plus faible depuis 2001 ». Les économistes de l’institution tablent sur une correction des prix de l’ordre de 20 % du sommet au creux, tout en évoquant la possibilité d’une chute plus prononcée « si les taux d’intérêt plus élevés et la faiblesse économique entraînent des quantités importantes de ventes forcées ».
Pour le Québec, la TD entrevoit un recul de près de 16 % des ventes de propriétés résidentielles cette année, s’ajoutant à celui de 20 % observé l’an dernier. Et à une variation annuelle du prix moyen de -7,4 %, contre une augmentation de 8,6 % l’an dernier.
Doug Porter voit dans sa boule de cristal un recul de 15 % des mises en chantier au Canada, une chute également de 15 % des ventes de maisons et une baisse moyenne de 12 % des prix au cours de l’année. Selon l’Indice de prix de maison Teranet-Banque Nationale, la baisse cumulative des prix depuis le sommet de mai 2022 atteignait les 10 % en décembre, soit la plus forte contraction de l’indice jamais enregistrée.
Marché du travail résilient
La décélération de l’activité économique va forcément apaiser les tensions sur le marché du travail. Le Mouvement Desjardins prévoit que le taux de chômage franchira la barre des 7 % au Canada et frappera à la porte des 6 % au Québec, contre un creux de 3,8 % touché en novembre 2022. « Toutefois, contrairement aux récessions précédentes, le nombre d’emplois devrait demeurer stable en 2023 ou même être légèrement en croissance, car la demande de main-d’oeuvre demeure grande. » Le taux de postes vacants devrait ainsi diminuer et se rapprocher de la moyenne prépandémique. Avec cette montée du taux de chômage, alimentée par une forte immigration, et une inflation moindre, il en résultera un allégement de la pression sur la croissance des salaires.
En supposant que la géopolitique ne vienne pas rebrasser une nouvelle fois les cartes.