Le message libéral
Le chef intérimaire du PLQ, Marc Tanguay, a dit vouloir s’employer quotidiennement à « simplifier le message sur des questions qui sont très complexes ». Selon lui, une pédagogie déficiente expliquerait en partie la performance désastreuse de son parti à l’élection du 3 octobre dernier.
Certes, les tenants et aboutissants du projet ÉCO sont demeurés assez mystérieux pour le commun des mortels, mais le problème était plutôt que le message changeait continuellement depuis l’arrivée de Dominique Anglade. À force de la voir zigzaguer de gauche à droite, du nationalisme au multiculturalisme, elle a fini par mélanger et mécontenter tout le monde.
Dans le cas de la disposition de dérogation, il faut reconnaître que M. Tanguay n’a pas tergiversé. Le PLQ se range sans ambiguïté dans le camp de Justin Trudeau et estime avec lui que l’utilisation préventive de cette disposition, notamment pour mettre les lois sur la laïcité et la langue à l’abri des contestations judiciaires, doit être proscrite, peu importent les conséquences.
Il est à la fois triste et fascinant de voir le parti qui a été le grand artisan de la Révolution tranquille et de l’émancipation de la société québécoise se faire aujourd’hui le complice de ceux qui tentent de la fondre dans le magma canadien.
Il fut une époque, pas si lointaine, où il y aurait au moins eu un débat sur cette question au sein du PLQ. Périodiquement, une aile plus nationaliste s’est manifestée, les plus militants choisissant même de quitter le parti, que ce soit dans les années 1960, quand René Lévesque a claqué la porte pour fonder le MSA et par la suite le PQ, ou, dans les années 1990, quand Jean Allaire et Mario Dumont ont fondé l’ADQ. C’est maintenant le silence absolu.
C’est comme si, depuis l’échec de l’entente de Charlottetown (1992), le PLQ avait baissé les bras pour redevenir progressivement la succursale de la maison mère fédérale qu’il avait été durant le premier siècle de la fédération.
D’une politique constitutionnelle à l’autre, ses revendications sont devenues plus timides. Être Québécois est devenu une façon à peine différente d’être Canadien. En s’associant à l’entreprise de neutralisation de la disposition de dérogation, les libéraux renoncent à l’ultime moyen d’affirmer cette différence au sein du Canada.
Cet alignement sur la politique de nation building poursuivie par Ottawa pouvait toujours se comprendre tant que l’unité du pays était menacée, mais l’affaiblissement du mouvement souverainiste aurait pu donner l’occasion au PLQ de revenir à ses positions de jadis. Au lieu de quoi, il a laissé la CAQ occuper tout le terrain de l’autonomie.
Les libéraux en sont peut-être arrivés à la conclusion que l’espoir d’une réforme du fédéralisme à la satisfaction du Québec est illusoire et qu’il vaut mieux laisser François Legault se casser la figure. Ou retourner à son idéal d’antan.
Pour le moment, ils n’en sont pas moins déconnectés de la majorité francophone et doivent leur survie et leur statut d’opposition officielle essentiellement à l’électorat non francophone.
L’imminence de l’élection partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne, dont seulement 53 % de la population est de langue maternelle française, n’est pas de nature à inciter le PLQ à se préoccuper de l’identité québécoise.
Une défaite dans cette forteresse libérale laissée vacante par le départ de Dominique Anglade, qui l’avait emportée par 2736 voix à l’élection du 3 octobre, serait un véritable désastre, qui enverrait un très mauvais signal à ceux qu’on voudrait convaincre de se porter candidat à la chefferie. Déjà, on ne se bouscule pas au portillon.
Le problème est que l’élection dans Saint-Henri–Sainte-Anne est tout aussi importante pour Québec solidaire, qui a besoin d’une victoire pour se remettre en selle après les résultats décevants d’octobre dernier et dont le candidat, Guillaume Cliche-Rivard, qui avait terminé bon deuxième, est déjà en campagne.
L’ajout d’un député sur l’île de Montréal ne diminuerait en rien les difficultés que QS éprouve en région, mais « un de plus, c’est toujours le fun », comme a dit Gabriel Nadeau-Dubois. Cela renforcerait aussi la prétention de QS d’être la solution de remplacement au gouvernement Legault.
Les trois autres partis n’étant pas réellement dans la course, Marc Tanguay a donné le ton à la campagne libérale en accusant QS d’avoir « un double discours sur la défense des droits et libertés ».
Le reproche fait sourire dans la mesure où c’est précisément ce que de nombreux anglophones ont reproché au PLQ au cours des dernières années. Le message qu’il adressera aux électeurs de Saint-Henri–Sainte-Anne sera peut-être plus clair, mais il devrait garder à l’esprit qu’on l’entendra dans tout le Québec.