Pilotes en pénurie

L’examen des causes ayant provoqué des inconvénients parfois majeurs aux voyageurs dans la période des Fêtes doit débuter jeudi à Ottawa. Le tout sera à insérer ensuite dans un contexte plus élargi de pénurie de pilotes, devenue un enjeu criant. Le Comité permanent des transports de la Chambre des communes doit commencer jeudi son examen de ce qui a engendré des déplacements en avion et en train chaotiques durant la tempête du temps des Fêtes ayant entraîné de nombreux retards et annulations, dans un environnement de communication qualifiée de déficiente par nombre de voyageurs touchés. Le comité parlementaire prévoit entendre le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra. Des représentants de Sunwing, de WestJet, d’Air Canada, du transporteur ferroviaire Via Rail et de l’Office canadien des transports sont aussi parmi les personnes convoquées.

Cet examen doit ensuite être intégré à des travaux déjà entamés portant sur le Règlement sur la protection des passagers aériens, en vigueur depuis 2019, nous rappelle un texte de La Presse canadienne. Il est attendu qu’il ressortira de l’exercice une compréhension des causes ayant provoqué des inconvénients parfois sérieux à des milliers de voyageurs et un recalibrage réglementaire afin de mieux clarifier les obligations des compagnies aériennes. Il est souhaité que l’exercice couvre un spectre suffisamment large pour que, dans un monde idéal, les passagers aient peu ou pas besoin de faire appel à cette « charte
des voyageurs ».

Et ce spectre doit s’ancrer dans son contexte. Mehran Ebrahimi, professeur et directeur de l’Observatoire international de l’aéronautique et de l’aviation civile de l’ESG-UQAM, résume bien la situation. « La pénurie de pilotes est une réalité mondiale, et au Canada, ce problème est accentué dans le contexte général de pénurie de main-d’oeuvre. De plus, puisque l’industrie aérienne a reçu peu d’appui durant la pandémie, certains de nos pilotes ont été embauchés par des compagnies étrangères. Nous estimons qu’à l’heure actuelle, il manque environ 1500 pilotes au pays. Vu le coût de formation et le peu de centres de formation publique, on ne peut pas pourvoir ces postes facilement », écrit-il dans un échange
de courriels.

Déjà, la pénurie s’annonçait à l’aube de 2020. Mais le brusque arrêt de l’embauche et du recrutement, voire les plans de départs anticipés, ont meublé la pandémie. « Les lignes aériennes ont mis à pied de nombreux employés, ce qui a incité plusieurs pilotes à prendre leur retraite, à quitter l’industrie ou à déménager dans d’autres pays, où l’aviation a plus de soutien qu’au Canada », disait l’an dernier Tim Perry, président de la section canadienne du syndicat Air Line Pilots Association.

Sunwing et Transat

Problème de pénurie amplifié par un manque de disponibilité de simulateurs et accentué par une diminution réglementaire des heures de travail des pilotes… Cette conjoncture vient bien camper la trame avec laquelle les transporteurs aériens doivent composer. Et celle, plus particulière, avec laquelle Sunwing a dû composer lors des perturbations météorologiques du temps
des Fêtes.

Le voyagiste spécialisé en destinations soleil comble généralement ses besoins en haute saison en faisant appel à des pilotes étrangers dans le cadre d’un programme fédéral d’embauche temporaire de travailleurs étrangers. La demande portait cette année sur
63 pilotes.

Un refus a été reçu à la fin de novembre, longtemps après la mise en vente de son programme de vols, explique le président du conseil d’administration du voyagiste, Colin Hunter, également dans un échange de courriels. Lorsque le mauvais temps est venu, au cours d’une période plus achalandée que prévu alimentée par une demande latente provoquée par la pandémie, il lui a fallu manoeuvrer dans une «­­ tempête parfaite ».

En clair, le rejet de la demande de déploiement de pilotes étrangers et les conditions et horaires de vols trop exigeants pour ses compagnies partenaires affrétant des avions l’ont forcé à sous-contracter des vols de remplacement dans une courte période. Dans l’intervalle, Sunwing a tenté de repositionner ses appareils en soutien de ses opérations, mais le voyagiste a vu le déplacement de ses membres d’équipage être lui-même affecté par les retards et annulations de vols intérieurs d’autres transporteurs subissant également les effets de la tempête.

Chez Transat, la pénurie de pilotes se manifeste alors que le transporteur évolue en mode de recrutement actif. « Nous planifions déjà des embauches et programmes de relève en anticipation d’un certain nombre de départs à la retraite et pour soutenir nos plans futurs », souligne Andréan Gagné, directrice principale
Communications.

Elle affirme que la pandémie n’est pas venue exacerber la situation. « Étant donné que notre capacité déployée pour le programme hiver est comparable au niveau prépandémique, nous renouons avec un niveau dit normal de nos opérations et de notre nombre d’effectifs. » La porte-parole ajoute que lors de la campagne de rappel des effectifs, au moment de la relance des activités l’an dernier, les pilotes et agents de bord ont pour la majorité accepté de revenir à bord.

Le troisième poids lourd actif au Québec, Air Canada, n’avait pas répondu à nos courriels, et Transports Canada ne nous avait toujours pas répondu au moment où ces lignes étaient écrites.

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