Là où ça fait mal!
La relative stabilité de la croissance de l’inflation en novembre masque l’absence de répit pour les ménages, qui font face à une pression persistante sur la facture d’épicerie et sur le coût du logement. Bref, sur les biens essentiels représentant deux des trois plus importantes composantes du panier servant au calcul de l’indice des prix à la consommation (IPC).
Statistique Canada nous dit que l’inflation telle que mesurée par l’IPC a augmenté de 6,8 % d’une année à l’autre en novembre, contre 6,9 % en octobre. Une « accalmie » qu’il faut largement attribuer à la volatilité des prix de l’essence. D’ailleurs, sans les aliments et l’énergie, la hausse des prix s’établit à 5,4 % le mois dernier.
Ce dernier chiffre est à comparer avec l’augmentation de 5,3 % de l’IPC hors éléments volatils mesurée en octobre, ce qui laisse entendre que le ralentissement de la croissance des prix de l’essence a été contrebalancé par une augmentation plus rapide du prix de l’épicerie, auquel s’ajoute la progression continue des coûts de l’intérêt hypothécaire et du loyer. En fait, les trois plus importantes composantes du panier de référence, à savoir, dans l’ordre, le logement, le transport et l’alimentation, continuaient d’afficher une augmentation plus forte que celle de l’IPC d’ensemble.
Pour leur part, les prix des aliments achetés en magasin ont augmenté de 11,4 % d’une année à l’autre en novembre, soit à un rythme annuel plus accéléré que le 11 % d’octobre, pour se maintenir à leur plus haut niveau depuis le début des années 1980. « L’inflation des prix des aliments est restée généralisée et la croissance des prix dans les épiceries a été supérieure à celle de l’IPC d’ensemble chaque mois depuis décembre 2021 », précise Statistique Canada.
Selon la moyenne canadienne, il fallait débourser en novembre 26 % de plus pour les huiles comestibles, 19 % de plus pour les boissons non alcoolisées, 17 % pour le café et le thé, 16,7 % pour les oeufs, 16 % pour les produits céréaliers, 15,5 % pour les produits de boulangerie ou encore 11 % de plus pour les fruits frais. Perturbation de la chaîne d’approvisionnement, mauvaises conditions météorologiques, hausse du prix des intrants sous le poids de la flambée des prix de l’énergie, guerre en Ukraine, coûts d’exploitation en hausse, déplacement de la demande et effet de substitution… Cette longue séquence d’inflation stratosphérique dans l’alimentation est le résultat de multiples facteurs qui maintiennent une pression sur les coûts de toute la filière agroalimentaire, a déjà expliqué Statistique Canada.
S’y greffent depuis mars les effets de la remontée des taux d’intérêt, qui atteint les 400 points de base en ce qui concerne le taux directeur de la Banque du Canada. Les prix du logement ont augmenté de 7,2 %, à un rythme plus rapide d’une année à l’autre en novembre, surtout en raison de la pression à la hausse exercée par les indices du coût de l’intérêt hypothécaire et du loyer. « Le coût de l’intérêt hypothécaire a continué d’augmenter à un rythme plus élevé d’une année à l’autre, en croissance de 14,5 % en novembre comparativement à 11,4 % en octobre, dans le contexte de la hausse des taux d’intérêt. La progression enregistrée en novembre a été la plus marquée depuis février 1983 », a fait ressortir l’agence fédérale. La Banque du Canada avait déjà souligné que les ménages qui renouvellent leur prêt font face à une augmentation supérieure à celles observées dans les cycles de resserrement monétaire des trente dernières années.
Pour sa part, l’indice du loyer a augmenté de 5,9 %, après avoir enregistré une hausse de 4,7 % en octobre. « Le contexte de l’augmentation des taux d’intérêt — qui peut représenter un obstacle à l’accession à la propriété — fait partie des facteurs qui ont exercé une pression à la hausse sur l’indice. » La croissance des prix du loyer d’une année à l’autre a été de 5,3 % au Québec le mois dernier.
Inaccessibilité historique
Dans une étude publiée la semaine dernière signée par l’économiste en chef adjoint de la Banque Royale, Robert Hogue, on peut lire que cette poussée des taux d’intérêt depuis mars a propulsé la mesure globale d’accessibilité de RBC à 62,7 % au troisième trimestre, « son pire niveau de tous les temps. La détérioration de 14,5 points de pourcentage a été phénoménale au cours de la dernière année. » À Montréal, la part du revenu d’un ménage nécessaire pour couvrir les coûts liés à l’habitation se situait à 51,9 %. Elle était de 95,8 % à Vancouver, de 85,2 % à Toronto.
Pour être admissibles à l’achat d’un logement évalué au prix de référence, les acheteurs de Vancouver (268 000 $), de Calgary (123 000 $), de Toronto (240 000 $), d’Ottawa (149 000 $), ou encore de Montréal (127 000 $) doivent tous gagner un revenu avant impôt d’au moins 100 000 $, a ajouté l’économiste. Ce revenu requis a bondi de 30 % à Montréal entre les troisièmes trimestres de 2021 et de 2022. L’augmentation approche 28 % à Ottawa, 27 % à Québec, où le revenu nécessaire atteignait 80 894 $ au troisième trimestre.
Petit mot d’encouragement, l’accessibilité atteindrait bientôt un creux, croit Robert Hogue. Il s’attend à une correction de 14 % du prix de référence à l’échelle canadienne d’ici le printemps, qui viendrait ajouter ses effets à une pause pressentie du resserrement des taux d’intérêt par la Banque du Canada, qui serait suivie d’un début de repli quelque part au deuxième semestre de 2023.
L’inflation d’une année à l’autre est demeurée pratiquement constante au mois de novembre au pays, s’élevant à 6,8 % tant au Canada qu’au Québec. Dans sa plus récente mise à jour de l’indice des prix à la consommation (IPC), publiée mercredi, Statistique Canada explique que le ralentissement de la croissance des prix de l’essence et des meubles a été partiellement contrebalancé par une croissance plus rapide des coûts de l’intérêt hypothécaire et des produits d’épicerie.
L’inflation sous-jacente, qui exclut les prix de l’énergie et des aliments, est également élevée, augmentant de 5,4 %. Dans une note, l’économiste en chef de BMO, Douglas Porter, souligne que la hausse de l’inflation de base est un signe clair de pressions inflationnistes sous-jacentes persistantes. « Baisser le niveau de l’inflation s’avère être un processus extrêmement lent, et nous pensons que cela pourrait être un thème pour 2023. »